Le Pape a récemment fait remarquer qu’il pourrait sembler étrange à certains que son homélie prononcée au cours de la Veillée Pascale fût à ce point centrée sur la question de la Création. Le temps pascal, après tout, traite en principe de la Passion, de la mort et de la résurrection du Christ. Mais Benoît XVI nous rappelle que les événements célébrés à Pâques ne peuvent être compris que si l’on se réfère aux origines même du monde.
Tout au long de son pontificat, et avant même qu’il ne devienne pape, Benoît XVI a souvent réfléchi à la doctrine de la création et à l’intelligibilité de l’univers. Il s’est ainsi révélé un ardent défenseur de la raison enracinée dans la foi. […]
Au cours de la veillée pascale, la liturgie de la parole commence avec le récit de la création. C’est ainsi que la liturgie nous dit que la création est en elle-même une prophétie. Ce récit n’apporte pas seulement des informations sur l’origine du cosmos et de l’humanité. Les Pères de l’Église étaient conscients de cela. Ils n’ont pas cherché à limiter ce récit aux origines du monde. Ils y ont vu plutôt la source et le terme de tout être.
Les Pères de l’Église, et pas seulement eux, ont tenté d’établir une concordance entre le premier chapitre de la Genèse qui nous parle de prétendus « six jours de la création », avec ce que la science nous dit du monde. Mais des théologiens, tel saint Thomas d’Aquin, insistent pour dire que ce qu’il faut croire à partir de la Genèse est le fait de la création en elle-même, non la manière dont ce monde a été créé. La Bible ne doit pas être lu comme un livre de paléontologie. Galilée aimait citer les mots du Cardinal Baronius : la Bible nous enseigne comment aller au Ciel, non comment est le Ciel.
Dans son homélie, le Pape se penche sur le Prologue de Saint Jean pour commenter les premiers paragraphes de la Genèse :
« ‘Au commencement était le Verbe’. En effet, le récit de la création… est caractérisé par la phrase qui revient régulièrement: ‘Dieu dit…’. Le monde est un produit de la Parole, du Logos, comme l’exprime Jean avec un terme central de la langue grecque. ‘Logos’ signifie ‘raison’, ‘sens’, ‘parole’. Il ne signifie pas seulement ‘raison’, mais Raison créatrice qui parle et qui se communique elle-même. C’est une Raison qui est sens et qui crée elle-même du sens. Le récit de la création nous dit, donc, que le monde est un produit de la Raison créatrice. »
En révélant que l’origine de toutes choses est la Raison créatrice, qui embrasse l’amour et la liberté, selon la lecture qu’en fait Benoît XVI, nous avons une conception de la raison bien plus riche que celle célébrée de nos jours depuis Descartes. Ce sens, bien plus large de la raison, englobe, sans s’y limiter, tout ce qui est rationnel, allant des sciences naturelles à la philosophie. De plus, en identifiant la Raison – le Logos- à l’origine de toute chose créée, il n’est pas possible d’affirmer que le hasard et la chance sont l’explication de ce qui existe.
Le Pape ajoute :
« Ici nous nous trouvons face à l’alternative ultime qui est en jeu dans le débat entre foi et incrédulité : l’irrationalité, l’absence de liberté et le hasard sont-ils le principe de tout, ou bien la raison, la liberté, l’amour sont-ils le principe de l’être ? Le primat revient-il à l’irrationalité ou à la raison ? En dernière analyse, telle est la question. Comme croyants nous répondons par le récit de la création et avec Saint Jean nous disons : à l’origine, il y a la raison. A l’origine il y a la liberté. »
Ou bien nous reconnaissons que l’univers est le résultat de la Parole de Dieu libre et créatrice dont tout dépend à chaque moment de notre existence, ou bien nous pensons qu’il n’existe aucune origine au principe des choses, que tout ce qui est existe, existe en définitive sans raison aucune.
Benoît XVI dit que tout dépend de notre réponse à cette question. Il n’hésite pas à souligner les contradictions que existent dans les débats actuels relatifs à l’évolution et à la cosmologie:
« Il n’est pas exact que dans l’univers en expansion, à la fin, dans un petit coin quelconque du cosmos se forma aussi, par hasard, une certaine espèce d’être vivant, capable de raisonner et de tenter de trouver dans la création une raison ou de la posséder en elle-même. Si l’homme était seulement un tel produit accidentel de l’évolution en quelque lieu à la marge de l’univers, alors sa vie serait privée de sens ou même un trouble de la nature. Non, au contraire : la raison est au commencement, la Raison créatrice, divine.
Il est important de reconnaître que le Pape ne rejette pas les principes de l’évolution lesquels ont recours, dans une certaine mesure, au hasard et à la chance dans le processus de changement. Ce qui l’inquiète est le refus d’admettre un principe rationnel à l’origine de l’intelligence : la raison créatrice. Il rejette l’idée selon laquelle l’homme ne serait « qu’un simple produit du hasard », où la tentative de trouver du « rationnel au sein de la création » plutôt que de reconnaître que la Raison est à l’œuvre dès l’origine de la création, et donc la source de l’intelligibilité des la nature.
L’homélie du Pape est une réflexion théologique enracinée dans la foi, adressée aux croyants. Bien qu’elle offre une alternative aux différentes formes du « nouvel athéisme », elle n’aborde pas la question du refus de la création fondé sur arguments philosophiques. C’est une tâche réservée un autre moment et en d’autres circonstances. Mais en dernière analyse, Benoît XVI montre que la théologie peut défendre la Raison, le Logos, comme étant la source de tout ce qui existe. Il montre que le concept d’intelligibilité inclut foi et révélation, rappelant ainsi aux croyants comme aux non croyants que foi et raison ne s’opposent pas.
William E.Carroll, dominicain, est « Thomas Aquinas Fellow » en théologie et en science. Cet article est une adaptation d’un exposé donné au Collège Anton Neuwirth de Ivanka, en Slovaquie.
— –
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/what-qgod-saidq-matters.html
— –
Ndlr :
Nous serions très heureux d’accueillir de nouveaux volontaires pour traduire des textes de The Catholic Thing et pour nous aider à vérifier nos traductions. Nous acceptons avec reconnaissance toutes remarques et corrections.