Les dimanches se succèdent, avec un rythme d’activité surprenant pour un pape de 84 ans. Après la béatification de son prédécesseur, célébrée dans un immense concours de peuple (un million et demi de participants selon la police de Rome), Benoît XVI s’est rendu dans la superbe cité des Doges, où l’enthousiasme n’était pas moins grand. 300 000 personnes ont participé à la messe dans le parc San-Giuliano, de l’autre côté de la lagune de Venise. Il y a beaucoup à retenir des paroles prononcées durant cette eucharistie mais aussi, plus tard, devant le monde de la culture et de l’économie réuni dans la basilique Sancta-Maria-della-Salute, où le Saint-Père s’était rendu en gondole.
L’Italie, comme l’ensemble de l’Europe, est en ce moment en proie à un climat de crainte et de désenchantement. Cela va jusqu’à l’angoisse d’être envahie par les populations arabes de la Méditerranée. En cette même journée du 8 mai, cinq cents exilés en pleine détresse atteignaient les côtes de la péninsule. Benoît XVI ne conforte nullement les réflexes de refus et de repli sur soi, qui s’emparent de l’opinion. Évoquant « la peur des autres, de ceux qui sont différents, de ceux qui sont venus d’ailleurs et qui arrivent sur nos terres et semblent attenter à ce que nous sommes », il engage son auditoire à ne pas avoir peur et à puiser dans l’Évangile et dans l’eucharistie la force nécessaire, afin de regarder « les autres » avec le regard de Dieu.
À la Salute, Benoît XVI a eu recours au symbolisme de l’eau, familière à la Sérénissime, pour évoquer le concept de « modernité liquide », repris du sociologue anglo-polonais Zygmunt Bauman. Il y a, en effet, risque de désagrégation des liens sociaux alors que la dictature de la consommation, du relatif, de l’éphémère impose sa loi. N’y aurait-il pas un lien entre la peur et la désagrégation ? N’est-ce pas l’Italie et toute l’Europe qui sont appelées à se ressaisir intérieurement pour faire face à leurs responsabilités ? En tout cas, l’Église catholique fait preuve, dans un climat morose, d’un bel esprit de jeunesse et de courage. N’y a-t-il pas là promesse d’un printemps chrétien de l’Europe ?
