Avery Dulles, S.J.
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Il y a a peu près quinze ans, le regretté Frère Avery Dulles s.j. (qui sera plus tard cardinal) expliquait “les critères de théologie catholique” dans un discours du même titre lors d’un avant-congrès de la Société Théologique Catholique Américaine. Mis à part l’ironie que représente l’abord d’un tel sujet devant un public hautement réfractaire, les critères sont une courte déclaration des exigences fondamentales de toute véritable théologie catholique. Ce qui n’est pas surprenant, étant donné la maîtrise de Dulles pour exprimer clairement la pensée catholique orthodoxe.
La théologie est simplement (si l’on peut dire) la foi dans sa capacité a Être comprise. Que nous adressions un thème lors d’une classe de catéchisme, écoutions une homélie ou lisions des documents et déclarations officiels de l’Église, l’enseignement est empreint de théologie, et il suit des critères définis. Le principe de base est que “si elle est catholique, la théologie adhère à la foi professée par l’Église catholique”. Je vais énumérer les principes que Dulles a définis et qui découlent de cette définition.
Premièrement, lorsque l’on examine la pensée de quelqu’un qui se réclame Catholique, il faut (1) regarder son raisonnement du point de vue de la foi. Cette exigence définit le cadre du penseur individuel, quelles que soient sa créativité et sa perspicacité. La raison humaine peut en effet accéder à la vérité, mais seulement a la lumière de la foi dès lors que l’on touche aux fondamentaux de la vie humaine. Alors l’objet de la quête du penseur (2) est Dieu tel qu’on peut le connaître. Nous ne possédons pas seulement de vagues métaphores pour décrire Dieu. Au contraire, nous possédons de réelles analogies qui nous Le révèlent. Dieu est un, vrai, bon et beau. Il est Père, Fils et Esprit, et Dieu est révélé en Jésus-Christ.
Ensuite nous devons reconnaître (3) la catholicité du Christ, ce qui signifie que tout vient de Lui. “en qui toute chose existe, Verbe puissant qui soutient le monde créé par Lui” (Dulles). Quatrièmement, cette vérité a une universalité à caractère missionnaire : elle ne définit pas moins que le sens du monde, et demande à être répandue aux extrémités de la terre.
Il y a un contexte (5) ecclésial inhérent a cette pensée, parce que “la foi est ecclésiale de trois façons, l’Église établit la foi, est comprise dans la foi, et est la croyante suprême”. La foi de l’Église précède la foi du croyant, ainsi les penseurs au service de l’Église “ne peuvent faire allégeance en premier lieu aux instances séculières, qu’elles soient académiques, politiques, ethniques ou autre”.
Lié à ce contexte ecclésial est le fait que le penseur appartient à une communauté (6) en communion avec Rome : “la théologie catholique émane de l’Église catholique et appelle ses membres à méditer sur son héritage de foi ; une telle théologie est dirigée vers l’Église catholique dans la mesure où elle s’efforce de bâtir cette Église.” (7) De plus, la pensée qui bâtit l’Église est œcuménique en ce qu’elle reconnaît les dons de l’Esprit aux Églises et communautés ecclésiastiques. Elle reconnaît aussi les différences et ne renie pas l’autorité de l’Église catholique.
Cependant la pensée dans l’Église (8) reflète une unité faite de diversité, c’est-à-dire qu’elle possède différente facettes et spiritualités, sans que pourtant elles ne se contredisent. “Tous les membres faisant un dans le Corps du Christ, doivent tendre a n’avoir qu’un seul cœur et un seul esprit” (Acts 4:32) et à parler en accord de sentiment les uns avec les autres (Phil 2:2).” Il s’agit donc d’une véritable communion de sens.
La même unité est maintenue (9) en continuité avec les pensées antérieures de l’Église : “Loin d’empêcher le développement de la doctrine, la solidarité avec le passé est la condition d’un développement authentique”. Maintenant, cette unité de la pensée passé-présent est nourrie (10) à travers les pratiques sacramentelles et religieuses. Les penseurs de l’Église ont besoin de prier en privé et en public, avec l’Église. Ils doivent éviter le péché et recevoir régulièrement les sacrements. C’est le seul moyen d’éviter de mauvaises habitudes de pensée et d’action, qui peuvent venir déterminer un cheminement intellectuel. Car souvent, les hommes débattent à seule fin de justifier leur comportement de pécheur.
La pensée catholique est aussi guidée (11) par le bon sens des croyants, qui est à distinguer de l’opinion publique, car ce bon sens “existe uniquement chez ceux qui pensent avec l’Église… et les prêtres”. De plus, les penseurs catholiques (12) acceptent l’autorité de l’Église “spécialement l’autorité des Écritures et de la tradition comme la forme prééminente de la parole de Dieu”. Encore une autre dimension de la communion catholique dans la vérité.
Cette communion est guide et nourrie (13) par la lecture des Écritures selon la tradition de l’Église. Il n’est donc pas surprenant (14) que les penseurs catholiques soient fidèles au magistère de l’Église. Ils travaillent aussi (15) en association avec le magistère afin d’offrir recherche et aperçus a ceux qui exercent le magistère.
Ces quinze critères indiquent et protègent la communion catholique dans la vérité telle qu’elle incarne et exprime la vérité de Jesus-Christ. Avery Dulles, comme ont bien d’autres reprises dans son œuvre, nous livre ici un outil précieux. Il est urgent que les théologiens et autres personnes concernées s’en servent.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/fifteen-criteria-of-authentic-catholic-thought.html
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Newman et Dulles : deux témoins du Christ
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Jean-Paul Hyvernat