Comment apprécier les manifestations violentes qui secouent l’Algérie et la Tunisie, alors qu’on s’interroge sur l’avenir de ces deux pays si proches et dissemblables à la fois ? Nous sommes en présence, d’un côté comme de l’autre, d’émeutes de la misère, où la jeunesse crie son désarroi, faute d’entrevoir une ouverture vers de meilleures conditions d’existence. Le mot de société bloquée convient aussi bien à l’Algérie qu’à la Tunisie, en dépit d’une dissymétrie des ressources économiques. L’Algérie est riche de son pétrole et de son gaz. La Tunisie n’a guère que son tourisme et ses phosphates depuis que le travail à bas prix — dans le textile surtout — s’est déplacé vers l’Asie. Et pourtant, les moins de vingt ans, qui constituent la moitié de la population des deux pays, vivent dans la même précarité. Le gouvernement algérien n’a pas utilisé ses capacités d’investissement pour créer un tissu industriel qui aurait élargi le marché de l’emploi. La rente pétrolière ne fait qu’assurer le train de vie de la caste dirigeante.
La répression des mouvements qui ont fait tâche d’huile sur les deux pays (et même jusqu’au Maroc) ne pourra endiguer que provisoirement la colère de la jeunesse dont les compétences ne sont ni reconnues ni utilisées. Le dialogue social est inexistant. Le chômage sévit massivement chez les diplômés, et encore plus chez ceux qui n’ont aucune formation. L’intégrisme islamique offre à certains un exutoire. Mais beaucoup espèrent tout simplement émigrer en Europe, et singulièrement en France.
Les foules qui réclamaient des visas à Jacques Chirac, lors de sa visite en Algérie en 2003, reflétaient l’aspiration propre à une autre génération. Mais cette nouvelle génération pourra-t-elle être satisfaite ? Certes, le déficit démographique qui affecte notre continent suscite un appel à la main d’œuvre immigrée. Mais nous nous trouvons aussi face à un problème de civilisation, de plus en plus sensible chez ceux qui doutent de la coexistence des cultures et redoutent les effets d’une substitution de population, de mœurs et de symbolique.
Nicolas Sarkozy avait évoqué un projet méditerranéen qui correspondait à une vraie nécessité géopolitique. Force est de constater que ce projet a été vidé de sa substance, au moment même où il apparaîtrait le plus utile et le plus désirable.
Rappel de l’histoire tunisienne :
http://nawaat.org/portail/2009/04/18/les-beys-de-tunis/
Le silence de Paris sur la tragédie tunisienne