photo : Austin Ruse
L’éditorialiste du Boston Globe Ellen Goodman a un jour qualifié Frances Kissling, ex-présidente du si bien nommé organisme « Catholiques pour un libre choix », de « philosophe du mouvement pro-choix. ». Eh bien, qu’en est-il vraiment de cette philosophe ?
Il y a quelques années, le lobbyiste pro-vie Peter Smith s’est précipité vers Frances Kissling, alors qu’ils étaient sur un escalator, aux Nations Unies. Smith, qui est un jovial Australien dépourvu de toute animosité envers qui que ce soit – y compris vis-à-vis de Frances Kissling – l’a saluée d’un grand sourire, lui serrant la main et lui disant : « Bonjour, Frances ! ».
Franes Kissling l’a fusillé du regard et lui a dit : « Bas les pattes ou j’appelle la sécurité ».
J’ai connu la même situation. Il y a quelque temps, j’étais invité sur le plateau de l’émission de CNN « Crossfire », en présence de Madame Kissling. Avant le début de l’émission, nous nous sommes retrouvés côte à côte. Nous nous étions déjà rencontrés auparavant, lors d’une conférence à la Haye, mais nous ne nous étions pas reparlé depuis. Je lui ai alors serré la main, lui disant simplement : « Bonjour, Frances ». Pour seule réponse, elle m’a lancé un regard mauvais.
Voici le jugement que Frances Kissling porte sur certains de ses contradicteurs : « La droite catholique est le pire et le plus violent de ce qui peut exister au sein de la droite religieuse américaine, bien pire que les Falwells et autres Robertsons. La perversité des Donohues, Deal Hudsons, George Weigel et autres Richard John Neuhuauses me laisse pantoise ».
Il n’est pas surprenant qu’elle ait été longtemps présidente de « Catholiques pour un libre choix », organisme dissident dédié à saper l’enseignement de l’Eglise. Il s’appelle désormais « Catholiques for choice ». Des évêques membres de la Conférence épiscopale américaine ont déjà condamné ce groupe, par deux fois. De grandes Fondations – au rang desquelles, entre autres, les Fondations Ford et Rockefeller – ont financé cet organisme, qui souhaite l’affaiblissement de l’Eglise et à tout le moins la voit comme le rempart ultime contre l’esprit radical.
Madame Kissling a un long et trouble passé. Son animosité envers l’Eglise a débuté, dit-elle, avec la manière dont, paraît-il, l’Eglise aurait traité sa mère. Elle affirme avoir un jour souhaité entrer dans un ordre religieux. Puis elle s’est lancée dans la direction d’une clinique spécialisée dans l’avortement avant de se retrouver à la tête du groupe « Catholiques » pour un libre choix. Comme présidente de cet organisme, elle a dit « avoir cherché dans le monde entier un gouvernement à combattre et l’avoir trouvé avec le Saint-Siège ». Entre autres choses, elle a lancé une campagne visant à exclure l’Eglise catholique des Nations Unies, campagne dont le fracas fut terrible pour elle et ses collègues.
A une époque plus récente, semble-t-il, Madame Kissling en est venue à croire au commentaire de Goodman la qualifiant de philosophe. Elle s’est « retirée » de Catholiques pour un libre choix il y a quelques années, ce qui ne l’empêche pas de continuer à apparaître en 2008, en tant que président honoraire, avec un salaire de près de 400.000 dollars annuels [environ 298.000 euros]. Dans son nouveau rôle de philosophe, elle est partie pour le Centre de Bioéthique de l’Université de Pensylvanie où elle est universitaire.
Récemment, elle a co-organisé un « dialogue » à l’Université Princeton au cours duquel, en coulisses, elle a décerné des coups très durs à ses peu expérimentés contradicteurs pro-vie, leur réservant la majorité de ses attaques. Pourtant, durant la conférence et par la suite, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession.
Par la suite, elle a écrit, presque suavement : « Chacun espère que le dialogue entre partisans et adversaires du droit des femmes à choisir d’avorter devrait déboucher sur un débat public plus réaliste ; moins d’insultes et d’attaques et davantage de raisonnements argumentés dans chaque camp ».
Elle a aussi écrit : « Quand des personnes sont profondément en désaccord sur quelque chose d’important, qu’elles prennent le temps de s’asseoir et de se parler, de bonnes choses peuvent survenir. Au moins, elles peuvent se rendre compte que l’autre est un être humain et non le diable incarné ». Belle phrase !
Sauf que pas plus tard que cette semaine, sur un site Internet appelé RH Reality Check, Frances Kissling s’en est pris au Vatican (et à moi, je suis fier de le dire), pour notre rhétorique « brutale ». Elle est capable d’accuser ses adversaires de manier l’insulte tandis que dans le même temps elle les insulte elle-même.
Elle est une femme aux deux visages. Ceux d’entre nous qui nous sommes connus sur le champ de la bataille pro-vie – aux Nations Unies ou ailleurs – connaissent une femme très différente de celle qui vient donner des conférences devant les caméras de télévision. Lorsque la caméra tourne, elle se montre drôle, raisonnée, charmante, parfois même féérique. Hors le champ des caméras ? Eh bien, vous savez maintenant comment elle peut être.
Je me suis parfois pris à penser que Frances Kissling était en train de changer. Il y a quelque temps, elle a commencé à reconnaître l’humanité du fœtus –bien qu’elle ne le considère pas comme un enfant- et sa capacité à ressentir la douleur du bébé en gestation, et elle s’en est pris à ses amis pro-avortement pour leur incapacité à le reconnaître. Cet épisode a paru être une grande ouverture. Elle n’est cependant jamais allée au-delà. Peut-être atteindra-t-elle un jour la conclusion logique, ou bien peut-être espère-t-elle simplement le genre de statut qu’a décrit Noah Cross [John Huston] dans le film Chinatown : « Les politiciens, les immeubles décrépis et les prostituées deviennent respectables avec le temps ». Loin de moi l’idée de comparer Frances à une prostituée. Je la considère comme une vraie idéologue de l’avortement et je respecte au demeurant son caractère habituellement si combatif.
Bien plus – et Frances le sait – je prie pour elle chaque jour, à la cinquième décade du Saint-Rosaire. Là où il y a de la vie, il y a de l’espoir. J’aimerais seulement qu’elle en ait la conviction, elle-aussi.
Source de cet article :
« Politiciens, immeubles décrépis et prostituées »
Traduction en français par Nicolas DAVELU
Austin Ruse
Austin Ruse a dirigé l’Institut pour la famille catholique et les droits de l’homme dès après sa création, en 1997. Il en est le Président depuis 2000.
Avec son équipe, il a participé à tous les négociations importantes des Nations Unies en matière de politique sociale, y compris les négociations à l’origine du Tribunal Pénal International.
Il a conseillé des membres de la Chambre des représentants et du Sénat sur les questions en lien avec les Nations Unies, ainsi que des membres du Conseil national de Sécurité.
Il a également conseillé des membres du gouvernement, des journalistes, ainsi que des membres de l’Eglise et des leaders d’organisations non gouvernementales.
Il est apparu sur nombre de chaines de télévision – CNN, CBS News, MSNBC, Fox News… – à propos de débats concernant les Nations Unies et la religion catholique.
Il a également publié de nombreux articles dans des journaux tels que First Things, Washington Times, National Review online, Weekly Standard, Human Events, Touchstone, et de nombreux autres périodiques de par le monde.
Il est éditorialiste de The Catholic Thing et il a fondé le blog spécialisé dans les questions internationales « TheNewSovereigntists.org ».
Il commente les grandes questions internationales sur la chaine EWTN, dans le cadre de l’émission « The Wolrd Over hosted » de Raymond Arroyo.
Il est également Chevalier de l’Ordre de Malte.
Marié à Cathleen Cleaver, qui est conseillère juridique du Conseil scientifique sur la famille, avec qui ils ont deux enfants. Ils vivent en Virginie où la famille de Austin Ruse s’est implantée, en provenance d’Angleterre, au début du 18ème siècle.