Photo : Matthew Hanley
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Les échos aux réflexions du pape Benoit XVI au sujet du préservatif et du SIDA — ou, plutôt, les manipulations troublantes de ces réflexions — se répercutent de par le monde. Mais elles ne représentent nullement un changement dans sa pensée ni dans l’enseignement de l’Église que veulent faire croire les media, quel que soit le vœu de théologiens d’avant-garde ou contestataires, ou même peut-être de certains collaborateurs du Saint-Père. Et ils n’exonèrent pas les organismes de santé qui, depuis des décennies, ont vainement plaidé pour les moyens techniques de combattre les maladies sexuellement transmissibles tout en refusant d’insister sur les comportements susceptibles d’éviter la contagion.
Le New York Times nous dit que les paroles du Pape dans le livre Lumière du monde récemment paru ont été accueillies « avec enthousiasme par les clercs et les milieux médicaux en Afrique, où se situe le pire problème du SIDA. ». Depuis longtemps on entretient la rumeur selon laquelle le Pape serait un obstacle anachronique à la santé dans le monde. Un peu de réflexion: des décennies de propagande en faveur du préservatif (et autres méthodes) ont totalement échoué contre l’épidémie de SIDA en Afrique, alors qu’on peut attribuer à des changements de bon sens dans le comportement sexuel un certain déclin de l’épidémie. Une remarque mal interprétée du Saint-Père pourrait-elle maintenant avoir l’effet que les campagnes savamment orchestrées en faveur du préservatif n’ont pas obtenu? Il faudrait scruter l’action des responsables de la santé publique. C’est leur rôle, et non celui du Pape, de faire obstacle à l’épidémie.
Vers la fin des années 80, Joseph Ratzinger s’est clairement exprimé sur le sujet: « Chercher une solution au problème de l’infection en promouvant l’emploi de moyens prophylactiques serait s’engager sur une voie non seulement peu fiable techniquement, mais aussi et surtout moralement inacceptable. » Agir ainsi serait encourager le mal plutôt que le tolérer. Les autorités catholiques, dit-il, devraient éviter de « s’engager dans des compromis pouvant même donner l’impression d’absoudre des pratiques immorales, telles que donner des informations pratiques sur l’emploi d’accessoires prophylactiques. »
Dans ce nouvel ouvrage, il redit ce qu’il déclarait l’an dernier en route vers l’Afrique : les préservatifs ne sont « une solution ni efficace ni morale à la crise du SIDA. » Comme le remarque Madame le Docteur Janet Smith, « l’Église n’enseigne nullement comment réduire la perversité d’un acte intrinsèquement immoral, […] l’acte homosexuel lui-même ».
Le but de Benoît XVI serait plutôt de provoquer un réveil et une métamorphose intérieurs. Les utilisateurs de préservatifs dans des rapports homosexuels peuvent admettre l’interdiction morale de s’exposer ou d’exposer autrui à l’infection. Ils pourraient alors se demander si le risque calculé de leur comportement est acceptable. (Aux États-Unis l’accroissement du nombre de porteurs du virus HIV concerne seulement les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes; cette constatation indique une constante prise de risque). Ces personnes pourraient réviser radicalement leur optique sur le but et la pratique de l’acte sexuel. Les réflexions de Benoït XVI expriment, semble-t-il, l’immense espoir que même les plus dissolus découvrent une morale impérieuse et renoncent à un mode de vie malsain.
Les responsables de santé publique évitent soigneusement d’encourager cette éventualité. Le docteur Anthony Fauci, de l’Institut National de la Santé a écrit l’an dernier dans le Washington Post : « Le nombre annuel de nouvelles infections par HIV aux États-Unis — environ 56 000 — est à peu-près constant sur plus d’une décennie. Oui, 56 000 personnes sont infectées chaque année dans notre pays. D’évidence nos efforts de prévention contre le virus HIV ont été insuffisants. »
On constate cet échec bien que les populations à haut risque (telles que citées par Benoït XVI) aient été informées sur le préservatif et incitées à s’en servir. Le Dr Fauci a appelé à « une action drastique et de nouvelles tactiques,» sous-entendant de nouvelles méthodes pour réduire le risque — de nouveaux médicaments et davantage de conseils et de dépistage. Il n’ nullement parlé d’un changement de comportement.
Il n’ose pas. Comme Joseph Ratzinger le déclarait lors d’une conférence à Cambridge en 1988 : « quiconque ose déclarer publiquement que le genre humain devrait s’abstenir de ces pratiques sexuelles anormales qui répandent le SIDA est rejeté comme un obscurantiste désespérant en raison de son attitude. Une telle idée ne peut qu’être déplorée et passée sous silence par nos élites bien-pensantes. »
Le silence de nos responsables autorisés, médicaux et de santé publique, n’a guère servi. Le taux d’autres MST (maladies sexuellement transmissibles, NdT) ne diminue pas, bien au contraire; une adolescente sur quatre est atteinte d’une MST, selon le Centre de Surveillance des Infections. Dans plusieurs pays occidentaux on constate un doublement, parfois un triplement des MST au cours des deux dernières décennies malgré le matraquage publicitaire en faveur du préservatif.
San Francisco a pratiquement banni les menus Happy Meals de McDonald, contraignant les gens à s’abstenir de certains mets. Mais n’a émis aucune recommandation d’abstinence pour des comportements sexuels bien plus dangereux. Ce qui serait absolument intolérable selon les mœurs actuelles. Benoît XVI pensait précisément à cet exemple lorsqu’il déplorait la « dictature du relativisme », qui a maintenant de nombreux fidèles.
Ceux qui interprètent les paroles du Pape comme une révolution théologique et philosophique ne pensent guère qu’il s’agit d’améliorer la santé publique, mais imaginent comme vraisemblable la future approbation par l’Église de l’homosexualité et de la contraception.
Benoît XVI insiste : « Tout n’est pas permis, on ne peut pas faire n’importe quoi. » Le Docteur Fauci et les autorités de la Santé publique n’osent pas dire, même au nom de la santé, que certains comportements devraient être totalement évités. Quelle qu’en soit la raison, ils ont fait leur la célèbre formule d’Ivan Karamazov : Sans Dieu — et faisant toute confiance à la technique — tout est permis.
Le principe selon lequel certaines formes d’activité sexuelle sont mauvaises est considéré de nos jours comme une atteinte à la liberté individuelle. Mais Benoît XVI nous enseigne que « la morale n’est pas une geôle pour l’homme; disons plutôt que c’est son environnement divin.» Il proclame courageusement un message moral impopulaire car il espère que chacun — y-compris l’homme prostitué — reconnaîtra et acceptera l’étincelle divine qui gît en lui.
Il a eu infiniment plus de courage que les grandes autorités de la santé publique. Et son message est infiniment plus chargé d’espérance, plus sain, et propice au bien commun. Dans un monde normal, l’attention des media devrait se fixer non sur Benoît XVI mais sur les responsables de la santé publique qui démissionnent dès qu’il est question de comportements malsains.
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Matthew Hanley est l’auteur de « Affirmation de l’amour, éviter le SIDA. Ce que l’Afrique peut enseigner à l’Occident » ( Affirming Love, Avoiding AIDS; What Africa Can Teach the West )publié récemment par le Centre Catholique National de Bioéthique à Philadelphie (U.S.A.)Spécialiste des questions internationales de santé (il a suivi une formation à l’Université Emory d’Atlanta) il a parcouru l’Afrique. Installé en Californie il écrit sur les sujets de santé publique, d’éthique et de religion.
Origine de ce texte :
http://www.thecatholicthing.org/columns/2010/misrepresenting-benedicts-bravery.html
traduit par Pierre Lebègue