Si Benoît XVI a accepté de grand cœur de se rendre, ce samedi, à Saint-Jacques de Compostelle, c’est qu’il accorde une importance certaine à la symbolique de ce pèlerinage, inscrite dans la mémoire espagnole et aussi de toute l’Europe1. Certains esprits forts font mine de dédaigner la signification de cet enracinement chrétien de notre continent, même s’ils se font plus discrets que naguère, quand ils brocardaient Jean-Paul II, coupable de nourrir son « rêve de Compostelle » à l’aune de la nostalgie, si ce n’est de la « reconquista », à l’encontre d’une civilisation sécularisée. Mais nos contemporains ne s’y trompent pas qui, de plus en plus nombreux, prennent ces chemins de Saint-Jacques renouvelés, alors que beaucoup ont perdu l’essentiel de la culture chrétienne.
Il ne s’agit nullement d’entreprendre on ne sait quelle campagne belliqueuse pour regagner un terrain perdu. S’il y a affrontement avec une certaine sécularisation, c’est au sens précis où celle-ci renvoie à l’amnésie mentale et à l’éradication d’un savoir essentiel. Pierre Manent le souligne à juste titre dans son ouvrage récent (Le regard politique, Flammarion) : le christianisme est un savoir, il ouvre à un registre de la connaissance qui a façonné l’intelligence moderne. Mais c’est ce registre qui est aujourd’hui largement oublié. Et c’est lui que le Pape vient rappeler, en montrant que les chemins de Compostelle ne renvoient pas à quelque initiation gnostique mais à la Révélation du Dieu vivant et vrai.
Depuis les débuts de son pontificat, il l’a constamment réaffirmé, démonstration à l’appui, que ce soit à Ratisbonne, aux Bernardins ou bien ailleurs : la foi nourrit l’intelligence et l’intelligence est en quête de foi. Et comme le dit autrement Pierre Manent, la religion apparaît « comme le déploiement dramatique et sur grand écran des problèmes que la philosophie avait mis au jour ». Ainsi, en venant au-devant de la recherche labyrinthique des pèlerins mal assurés du Camino, le Pape relève le plus concrètement possible le défi de la nouvelle évangélisation.
- Parmi l’innombrable production de livres sur les chemins vers Compostelle de cette année, je viens de recevoir un 365 méditations en chemin vers Compostelle, du photographe Léonnard Leroux, aux Presse de la Renaissance, splendide objet pour rêver, fait de photos magnifiques et de textes très courts de toutes origines, signe parmi d’autres du renouveau extraordinaire de ces chemins spirituels.
