Environnement : VIVA NAGOYA ? - France Catholique
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Environnement : VIVA NAGOYA ?

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L’environnement n’aurait-il plus la cote ? En tout cas, l’actualité ne lui donne pas aujourd’hui la priorité. Entre le conflit sur les retraites, les menaces d’attentats terroristes, les élections de mi-mandat aux Etats-Unis et même le départ de la Course du Rhum à Saint-Malo, peu de place aura été laissé à l’accord conclu à Nagoya dans la nuit de vendredi à samedi. Pourtant, la conférence réunissant dans le centre du Japon les 193 Etats parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) venait de conclure l’Année internationale de la biodiversité par un succès. « C’est historique, c’est un très grand moment . C’est le Kyoto de la biodiversité » s’est même exclamée, enthousiaste, Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie qui conduisait la délégation française.

La satisfaction de la ministre est compréhensible et justifiée puisque, au bout de deux semaines de négociations, les participants se sont entendus sur les trois points principaux mis en discussion. Tout d’abord, la mise en place d’un plan stratégique destiné à freiner la disparition des espèces composé de vingt objectifs à atteindre d’ici 2020, allant de la meilleure protection des population à l’abandon progressif des incitations dangereuses pour la biodiversité en passant par l’arrêt de la dégradation et de la disparition des habitats naturels. Ainsi, la surface des aires protégées devrait-elle passer de 1 à 10% pour les océans et de 13 à 17% pour les terres. Ensuite, l’adoption du protocole d’accès et de partage des bénéfices qui institue une répartition équitable des revenus tirés de l’exploitation des ressources des pays du Sud. C’est cet accord qui est sans doute le plus important (« Un rêve que tous les pays ont en tête depuis longtemps » a souligné Ryu Matsumoto, ministre japonais de l’environnement qui présidait les débats) car les firmes pharmaceutiques et de fabrication de cosmétiques, bénéficiaires du système ou plutôt de l’absence de système actuel, y étaient réticentes alors que les pays en développement en faisaient la condition de leur acceptation de la mise en place du Mécanisme international d’expertise scientifique sur la biodiversité qui devrait ainsi voir le jour en décembre prochain. Enfin, un accord sur le financement des mesures adoptées, le Japon s’engageant à apporter 1,4 milliard d’euros sur trois ans et la France 500 millions d’euros annuels dès 2013. La longue salve d’applaudissements par laquelle se sont achevés les travaux n’était donc pas déplacée, même si elle témoignait aussi d’un soulagement, le spectre d’un nouvel échec, après celui de la conférence de Copenhague sur le climat, ayant plané jusqu’au bout au risque d’affaiblir encore un peu plus l’Organisation des Nations-Unies.

Alors, pourquoi l’enthousiasme de notre ministre ne semble-t-il pas partagé ? « Chat échaudé craint l’eau froide » dit le diction populaire. Les vingt engagements pour 2020 sont assez proches de ceux prévus initialement pour 2010 et non atteints à cette date. Le protocole d’accès et de partage des bénéfices est certes contraignant, mais les compensations au profit des population autochtones ne sont pas clairement définies. Quant au financement, ses modalités restent floues. Et puis, les Etats-Unis, une fois de plus, se sont placés en retrait, le président Barack Obama se situant davantage dans la continuité que dans la rupture par rapport à son prédécesseur.

Il n’en demeure pas moins qu’ « un accord ici peut aider à Cancun, au Mexique (où aura lieu dans quelques semaines la prochaine réunion sur le climat), en montrant au monde que les négociations multilatérales peuvent aboutir à de réels progrès » comme l’a estimé Izabella Teixera, ministre brésilienne de l’environnement.

Indépendamment des incertitudes citées ci-dessus, le manque de répercussion de cet accord vient sans doute aussi de l’absence de mobilisation populaire autour du sujet : « Si la crise climatique a conquis un espace médiatique jusqu’alors inégalé, la biodiversité rencontre des difficultés à mobiliser et reste bien souvent limitée aux bons sentiments » reconnaît le Prince Albert II de Monaco, lui-même très engagé dans cette cause.

Il y a donc une place à prendre à qui voudra et saura convaincre de la nécessité de préserver la diversité biologique et entraîner derrière lui des foules bienveillantes mais encore incrédules.

Fabrice de CHANCEUIL