On connait le mot fameux de Maurice Thorez, l’emblématique secrétaire général du parti communiste : « Il faut savoir terminer une grève ! » Certes la période n’était pas la même puisque cela se passait au lendemain de la seconde guerre mondiale et le Parti était alors au sommet de sa puissance. On pouvait supputer un débouché révolutionnaire à une crise extrêmement dure, où les affrontements étaient beaucoup plus sérieux que ceux auxquels on assiste aujourd’hui. Pourtant, si j’évoque le mot de Thorez, c’est que nous avons vécu ces dernières semaines un processus qui, souvent d’ailleurs, allait au-delà des projets et des intentions des dirigeants syndicaux. On a pu se demander si l’épreuve de force n’irait pas jusqu’à la paralysie entière du pays, au moyen de l’arme suprême que constitue le barrage à l’approvisionnement en pétrole.
Il y avait un réel risque d’entraînement qui, de proche en proche, aurait amené à une épreuve économique majeure. Mais Bernard Thibaud, et a fortiori François Chérèque, n’en voulaient pas, car ils voulaient garder la pleine maîtrise du mouvement et craignaient un retournement de l’opinion qui n’aurait pas admis l’arrêt de l’activité économique. Aussi l’actuelle décélération de la contestation n’est elle pas étonnante. Il vaut mieux terminer une grève plutôt que de se précipiter dans l’inconnu, dans un combat incertain et même peut-être perdu d’avance.
Cela ne veut pas dire que le retour à la normale sera facile et que la crise actuelle ne laissera pas de traces profondes. Mais il faudra trouver d’autres moyens pour sortir de nos difficultés et relancer le débat sur la stratégie économique et sociale de l’avenir.