1er recours en illégalité contre une décision de l’Agence de biomédecine
autorisant des recherches sur les cellules embryonnaires humaines
A l’occasion de la présentation le 5 octobre 2010 du rapport annuel de l’Agence de la biomédecine (ABM) devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et dans la perspective de la révision de la loi de bioéthique, la Fondation Jérôme Lejeune informe qu’elle a lancé une action en justice contre une autorisation de recherches sur des cellules embryonnaires humaines.
L’audience publique a eu lieu jeudi 30 septembre au tribunal administratif de Paris en présence de la directrice générale de l’Agence de biomédecine et du président de la Fondation Jérôme Lejeune.
Fin septembre 2008, la Fondation Jérôme Lejeune a initié un recours en illégalité contre une décision de l’Agence de biomédecine d’autoriser le laboratoire i-Stem, dirigé par le Pr Marc Peschanski, à mettre en œuvre un protocole de recherche visant à modéliser la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale par l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines porteuses de la mutation.
Pour la Fondation Jérôme Lejeune, ce programme n’aurait jamais dû être autorisé. En effet, en France, la recherche sur l’embryon humain est interdite. Il s’agit là d’un principe fondamental de la loi bioéthique française, sanctionné pénalement. Depuis 2004, à titre expérimental, des dérogations peuvent être autorisées sous réserve du respect de deux conditions cumulatives* : les recherches sur l’embryon humain doivent permettre « des progrès thérapeutiques majeurs » et ne pas pouvoir être poursuivies par « une méthode alternative d’efficacité comparable ». C’est à celui qui déroge d’en apporter la justification.
Or, en l’espèce, aucune des pièces produites par l’ABM n’apporte la preuve :
1) Ni que la recherche autorisée s’inscrit dans une perspective de « progrès thérapeutiques majeurs » ; son objet l’indique par lui-même, il s’agit de la modélisation d’une pathologie qui intéresse la recherche fondamentale ou pharmaceutique mais qui est très éloignée des progrès thérapeutiques exigés par la loi ;
2) Ni que la recherche autorisée ne peut pas être poursuivie par « une méthode alternative d’efficacité comparable » ; il aurait fallu que l’ABM explique pourquoi cette modélisation d’une pathologie qu’elle a autorisée ne pouvait pas être réalisée avec d’autres cellules souches, en particulier avec les cellules souches reprogrammées (iPS), ce qui n’a pas été fait.
* Loi n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, Art. L. 2151-5
De surcroît, l’audience publique du 30 septembre a permis de faire ressortir une inquiétude sur la manière dont l’ABM a accordé cette autorisation.
En effet :
1) De son propre aveu, cet établissement public a décidé lui-même de s’affranchir de rechercher une alternative à l’utilisation des cellules embryonnaires humaines. « Cette condition, bien que n’ayant pas posé de problème lors de l’examen des demandes, semble, au regard des réalités scientifiques, superflue », écrit l’ABM dans son bilan d’application de la loi de bioéthique, en date d’octobre 2008, cité dans son mémoire en défense.
2) Or une alternative à l’utilisation des cellules embryonnaires est pourtant signalée par l’un des rapports d’expertise que l’ABM elle-même a produit. Dans ce rapport, il est considéré que « les cellules ES humaines sont uniques (comme les iPS) pour étudier au niveau moléculaire les causes de pathologies du développement ». Cette simple phrase place de toute évidence les iPS au même niveau que les cellules embryonnaires pour modéliser la pathologie en question et en étudier les causes. Elle indique clairement qu’il existe une alternative, celle des iPS. Dès lors qu’il existe une alternative d’efficacité comparable, la loi de 2004 impose de ne pas recourir aux cellules embryonnaires humaines.
3) Par ailleurs, la même expertise produite par l’ABM rapporte des éléments qui conduisent à s’interroger : l’équipe de recherche n’a pas tenté de collaboration avec le groupe qui est en pointe dans ce domaine, elle n’a rien publié sur les cellules embryonnaires depuis trois ans et elle risque de se disperser, étant déjà impliquée dans plusieurs projets. D’ailleurs, on peut noter que cet expert n’a pas signé d’appréciation favorable à la demande d’autorisation.
4) Finalement, comme seule raison d’autoriser ce projet, les conclusions des expertises produites par l’ABM ne peuvent s’appuyer que sur « l’aide financière massive obtenue par le laboratoire i-Stem ».
Dans de telles conditions, la plus élémentaire prudence aurait recommandé de ne pas autoriser ce projet.
Dans l’attente du jugement qui donnera l’occasion, elle l’espère, de rappeler que le respect de la loi de 2004 n’est superflu pour personne, la Fondation Jérôme Lejeune attend de la part des observateurs et acteurs bioéthiques une réelle vigilance pour la révision législative à venir. Elle demande que ce débat national soit fondé prioritairement sur un examen en vérité, scientifique et éthique, des enjeux de l’instrumentalisation des être humains les plus fragiles.