Un pape français aux Bernardins... - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Un pape français aux Bernardins…

Dans le grand auditorium du collège des Bernardins 20, rue de Poissy 75005 Paris Le 9 octobre à 17h30 Colloque Urbain V : un pape éducateur, un pape européen L’association des « Amis du Bienheureux Pape Urbain V » Vous invite à écouter En présence de Mgr Cattenoz : Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse, Abbé émérite de Kergonan, Anne-Marie Hayez, archiviste-paléographe, ingénieur au CNRS, Charles de La Roncière, professeur émérite de l’université de Provence, Jacques Verger, professeur d’histoire médiévale à la Sorbonne. A l'issue du colloque, Yves Chiron dédicacera son nouveau livre -qui sera vendu sur place : Urbain V, le Bienheureux, préfacé par Mgr Jacolin, évêque de Mende.
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Cette fois encore, Yves Chiron ne nous décevra pas. Après ses ouvrages passionnants sur les papes Pie IX, saint Pie X, Pie XI et Paul VI, cet auteur spécialiste de l’histoire de l’Église remonte dans le temps – 7 siècles – puisque son dernier ouvrage concerne un pape encore trop méconnu quoique bienheureux : Urbain V, avant-dernier pape d’Avignon (1310-1370).
Pourquoi parler aujourd’hui d’un pape médiéval ? Il faut lire Yves Chiron pour saisir toute la modernité de ce grand juriste, réformateur et bâtisseur, bénédictin et mécène, diplomate et amoureux de la nature, cet illustre pape bien français a beaucoup à dire aujourd’hui…

Prenons par exemple l’Angleterre. Au lendemain du voyage de Benoît XVI, il est intéressant de découvrir qu’un grand archevêque de Cantorbery, Simon de Langham, promu cardinal par Urbain V, s’est ému de voir les deux universités d’Angleterre imprégnées de naturalisme et de pélagianisme et y a porté remède avec le soutien du Pape… pour un temps.
Dans cette seconde moitié du XIVe siècle, désorganisé par les deux grandes pestes et par un relâchement général des idées et des mœurs nous avons là un pape qui, par petites touches obstinées et judicieuses a jeté les bases d’un État pontifical moderne, cherché à élever le niveau d’instruction des clercs aussi bien que des laïcs et donné l’exemple d’une vie de moine.

Il était en effet bénédictin. Re­mar­qué pour ses talents de juriste et professeur recherché (il enseigna à Mont­pellier, Toulouse et Paris) il devint père abbé de la grande abbaye Saint-Victor de Marseille juste avant de devenir pape. Mais toute sa vie, il voulut garder l’habit bénédictin et sa frugalité coutumière est restée celle d’un moine, même à cette cour si brillante qu’était Avignon.

Il n’était pourtant pas austère et s’il se nourrissait de peu et dormait « à la dure », rien n’était trop beau cependant pour les nombreuses églises ou cathédrales qu’il a richement dotées et embellies. Il aimait la nature, les oiseaux et les fleurs comme en témoignent les décorations murales du palais des papes et les vastes jardins qu’il y a fait créer. Mais toujours très pragmatique, concret et charitable, il fit en sorte que ces jardins et « vergers » « contribuent au ravitaillement des cuisines pontificales ». Ils servaient aussi à alimenter la « pignotte ». Employant une bonne douzaine de personnes, cette « aumônerie du Pape », selon Yves Chiron, s’occupait des largesses pontificales : « 355 repas étaient servis chaque jour » aux pauvres d’Avignon « auxquels s’ajoutait la distribution quotidienne des petits pains d’un poids moyen de 60 grammes. Entre 6 000 et 10 000 pains étaient distribués chaque jour, parfois jusqu’à 30 000. » C’est aussi à ce pape écologiste que nous devons les jardins du Vatican.
Mais notre pape était aussi un grand réformateur. Réformateur, non pas par grands décrets, et conciles mais par des quantités de micro-décisions personnalisées. Anne-Marie Hayez, archiviste-paléographe, ingénieur au CNRS largement citée par Yves Chiron a dépouillé pas moins de 20 000 lettres d’Urbain V. Correspondances régulières avec tous les rois et empereurs de l’époque, avec les évêques, les pères abbés, les professeurs, les artistes de son temps.

Yves Chiron montre comment, dès le début de son pontificat, Urbain V « a essayé de lutter contre le carriérisme des clercs, le cumul des bénéfices et la non-résidence, source de tant de maux spirituels ». Pour cela, il commença par commander à tous les évêques et archevêques de communiquer à ses services la liste de tous les titulaires de bénéfices. Rappelons qu’un bénéfice était une charge ecclésiastique qui permettait de recevoir des revenus. Puis il opère en trois points : réduire le cumul des bénéfices ; imposer la résidence pour les bénéfices avec « cura animarum », c’est-à-dire, charge pastorale et veiller à ce que les candidats aient les compétences requises. Avec menace d’excommunication s’il le faut…
Si, comme le dit Yves Chiron « la politique bénéficiale d’Urbain V est un premier indicateur de sa volonté de réformer l’Église », elle ne s’arrête pas là. Il combat aussi les Vaudois qui, en Provence et en Dauphiné préparaient les voies au protestantisme ; les Fraticelles de Naples et de Pérouse qui abusaient la bonne foi des gens par leur attitude humble et modeste ; les Sociniens de Venise qui croyaient à la parole d’Aristote plus qu’à celle du Christ, mais un Aristote revu par Averroès. Ils enseignaient l’éternité de la matière et le plus grossier panthéisme et persécutèrent Pétrarque ; le frère Denys, qui enseignait la théologie à Paris, fraticelle déguisé qui niait le droit de propriété au nom du Christ, sans parler des hérésies des universités anglaises évoquées plus haut.
Les ordres religieux furent aussi une préoccupation constante de notre pape bénédictin. Il restaura la vie monastique qui s’était beaucoup relâchée en maints endroits. Citons simplement, parmi d’autres, la restauration, au propre et au figuré du Mont Cassin, de Subiaco, la reprise en main des grands ordres dominicains, bénédictins et franciscains, la fondation suscitée et généreusement dotée par Urbain V de nombreux monastères, etc.

Bref ! si l’on veut tout savoir sur le bienheureux pape Urbain V, ses bienfaits dans le monde universitaire, ses missions et tentatives de croisade en Orient, la conversion de l’empereur Jean V Paléologue, son retour à Rome, sa sainteté même, alors il faut vraiment lire le livre. La préface, écrite par Mgr Jacolin, évêque de Mende (diocèse d’origine d’Urbain V) vaudrait à elle seule, s’il en était besoin, ce choix de lecture. Résumant la vie d’Urbain V en la replaçant dans son époque, elle resitue la vie de l’Église en ses fondements : les apôtres et les prophètes.

Nous laisserons ici à Yves Chiron le mot de la fin : « Sur la longue durée, est remarquable son souci de défendre les droits, spirituels et temporels de l’Église. Il n’a pas cherché à plaire aux princes de son temps, il n’a pas sacrifié les intérêts et la liberté de l’Église aux exigences des pouvoirs politiques de l’époque. Enfin, sur le plan personnel, « ce bénédictin fut un des pontifes les plus savants, pieux et intègres de tout le XIVe siècle. »
Pour en savoir plus, et avoir d’autres points de vue, venez au colloque organisé à l’occasion de son 7e centenaire par l’association des Amis du bienheureux pape Urbain V, le 9 octobre. n

Yves Chiron, Urbain V le bienheureux, éditions Via Romana – 20  €.
Association des Amis du bienheureux pape Urbain V – www.pape-urbain-v.org
château de Grizac, 48220 Le Pont-de-Montvert (cotisation : 10 €).