J’évoquais hier le climat très particulier des grandes journées de grève dans notre pays, avec les deux camps qui s’y opposent. De ce point de vue, nous n’avons pas été déçus. La mobilisation syndicale était au rendez-vous. Bien sûr, il y a l’inévitable querelle des chiffres. Elle revêt parfois des aspects croquignolesques et même pagnolesques: à Marseille 27 000 manifestants selon la police, 200 000 selon les organisateurs! Il n’est pas niable qu’un fort mouvement a traversé le pays, à propos d’une querelle qui n’est pas mineure, puisqu’elle conditionne étroitement la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. La droite démontrera, en cas de succès de la réforme des retraites, sa capacité à « faire bouger les choses ». L’opposition démontrera, par sa capacité de cohésion et de persuasion, qu’elle est apte ou non à assumer les responsabilités du pouvoir à l’horizon de 2012. Mais nous n’en sommes pas encore là !
N’empêche qu’hier la tension entre les uns et les autres était extrêmement sensible. Ce fut le cas à l’Assemblée Nationale, où le Parti communiste a tenté une opération spectaculaire, qui a permis à Jean-François Copé de réclamer un rappel au règlement. Le Parti socialiste, de son côté, a choisi de ne pas s’en prendre personnellement au ministre du travail, Eric Wœrth, sous le biais du scandale de l’affaire Bettencourt. Ses dirigeants ont dû peser soigneusement les avantages et les inconvénients de la mise en cause du ministre, dont certains réclament avec insistance la démission. Mais il n’est nullement évident que la gauche aurait été gagnante à faire déraper le débat sur le terrain du scandale. Cela serait apparu comme une tentative de lynchage. Et surtout, la question des retraites aurait pâti d’un tel dérapage.
Je crois que le débat public tout comme la cause du bien commun ont largement gagné à ce que le Parlement se concentre sur le fond. Deux conceptions se sont donc frontalement opposées. La droite veut une réforme du financement des retraites grâce à l’allongement de la durée des cotisations. La gauche voit la solution dans un prélèvement radical sur le capital. C’est là-dessus qu’il faudra trancher. L’opinion finira par sanctionner ou confirmer gouvernement et opposition sur la pertinence de la réforme ou de sa contestation.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 8 septembre