La Gendarmerie dans la guerre d’Algérie - France Catholique
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La Gendarmerie dans la guerre d’Algérie

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Docteur en histoire contemporaine et contrôleur financier, l’auteur a recueilli une documentation très minutieuse dans des archives soumises à dérogation, et dans une bibliographie abondante ; il a également interrogé quelques officiers de gendarmerie et des procureurs militaires (trop peu nombreux cependant pour une étude exhaustive).

L’intérêt de son ouvrage est fondé sur une analyse des fonctions, complémentaires mais distinctes, de l’armée de terre et de la gendarmerie, dont les rapports évoluent en liaison avec les changements de la politique algérienne : à l’indécision initiale succède un engagement total de l’Etat de 1956 à 1959, suivi d’une politique d’abandon de 1960 à 1962. Isolée dans la première phase en raison de son sous-effectif, la gendarmerie est pratiquement intégrée par une armée centralisatrice dans la période de victoire militaire, et s’en sépare peu à peu lors du dégagement, qui ne va pas sans tensions entre les deux forces de l’ordre.

Cette évolution est marquée par une forte augmentation des effectifs, qui passent de 243 brigades départementaloes et 8 escadrons mobiles en 1954, à 448 brigades et une cinquantaine d’EGM (dont 36 de renfort de métropole) en 1959, soit au total 13 à 14.000 gendarmes et 5.000 supplétifs. Six commandos de chasse (Partisan) sont alors mis sur pied. En 1963, il restera 1.900 gendarmes de la Prévoté et 6 EGM.

Les rapports de situation R/4 de la gendarmerie différent peu des bulletins de renseignement du 2ème Bureau. Ils sont largement cités par l’auteur et soulignent : – les inégalités et les rapports conflictuels entre les communautés – les difficultés de l’assimilation – la terreur du FLN, les enlèvements et les massacres de 1962 – la militarisation de la rébellion – l’attentisme des musulmans – l’échec de la trêve unilatérale, etc…Cependant le nombre des victimes de la répression est surestimé, car l’auteur se réfère à des auteurs contestables. D’autre part, les responsabilités de la fusillade du plateau des Glières restent contradictoires.

Soldat de la Loi, le gendarme est fidèle à ses traditions républicaines et au respect d’une morale garante des droits et libertés. Il est contraint de s’adapter aux lois d’exception, mais son encadrement répugne à détacher des personnels (497) dans des organismes qu’il ne contrôle pas (CRA, CCI, DOP, Centres d’hébergement). Les barricades de février 1960 constituent une rupture et le début d’une guerre civile dans laquelle la gendarmerie devient le symbole de l’abandon. Bien que les gendarmes n’aient pas fait opposition au putsch, ils sont chargés du transfert des insurgés en métropole ; les Détachements mobiles de recherche participent à la lutte contre l’OAS, aux côtés de la mission C qui comprend 50% de gendarmes. La tension est très vive entre la rouge (EGM) et la population pied noire.

Pour la départementale, en revanche, la transition vers l’indépendance est douloureuse. Symboles de l’ordre colonial, souvent liés à la population locale, les gendarmes des brigades ressentent durement l’abandon de l’Algérie. Le commandement s’emploie à les transférer en métropole, tout en espérant qu’une gendarmerie algérienne bénéficiera de son assistance technique. Le général Cherasse est contraint de renoncer à cette illusion face aux exactions que subissent 90% des brigades dans le bled. La départementale est dissoute en septembre, la mobile en décembre 1962. Les pertes totales sont de 590 ou 668 tués, dont 108 supplétifs, et 2.000 blessés.

In fine, Emmanuel Jaulin note que la gendarmerie est perçue par les militaires comme un corps hybride trop favorisé. L’incompréhension réciproque, initiée dans la guerre d’Algérie, a-t-elle favorisé le rattachement en 2009 de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur ? Est-ce la fin de la solidarité militaire entre corps d’une même armée ?