Qu'est-ce que la laïcité ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Qu’est-ce que la laïcité ?

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Qu’est ce que la laïcité? Ce mot qui est d’un emploi courant, qui est martelé sans cesse sur la scène publique, est-il si évident qu’on le croit? Je n’en suis pas persuadé pour ma part. Si la Constitution de la cinquième République stipule bien que notre Etat est laïc, on rechercherait vainement une sorte de définition philosophique du terme dans les textes officiels. La fameuse loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’emploie même pas ce terme de laïcité. Elle se contente d’affirmer que la République ne reconnaît, ni ne finance aucun culte. Ce qui est sans aucun doute une précision capitale. La France vivait depuis Napoléon sous le régime du concordat qui faisait de l’Eglise catholique une sorte de service public, financé par l’Etat, notamment au moyen des salaires versés aux ministres du culte. La séparation a aboli ce système, en privatisant en quelque sorte un service public. Sur le moment, dans un climat très conflictuel, on ne saisira pas toujours la véritable portée de la loi, qui, au demeurant sera amendée au lendemain de la première guerre mondiale à la satisfaction du Saint-Siège.

On comprend mieux aujourd’hui qu’il y avait quelques avantages pour l’Eglise à acquérir sa totale liberté par rapport à l’Etat même si la notion d’autorité spirituelle n’est plus reconnue officiellement. Cette autorité n’en subsiste pas moins de facto. L’Etat, de son côté, n’est plus lié à une identité confessionnelle, mais il aura forcément à négocier avec l’Eglise catholique et les autres confessions religieuses, aujourd’hui l’Islam. La laïcité lui donne-t-elle une sorte d’identé idéologique de rechange? Certains en sont persuadés et pensent à la philosophie des Lumières, à un certain rationalisme de nature anti-religieuse. Mais rien n’autorise à une telle confusion, même pas la déclaration des droits de l’homme contenue dans la Constitution. Des personnes et des familles intellectuelles très différentes peuvent se reconnaître dans cette déclaration, sans avoir de philosophie commune.

C’est pourquoi, il ne convient pas de conférer à la laïcité l’équivalent d’un substitut de religion. Emile Poulat, qui est l’historien contemporain qui a le plus travaillé sur le sujet, parle de « notre laïcité publique », qui relève beaucoup plus d’un sain empirisme ou d’une option prudentielle de l’art de gouverner que d’un système complet censé exprimer le destin du monde et les fins de notre humanité.

Je me suis permis cette réflexion, ce matin, pour deux raisons. La première concerne le tribunal européen des droits de l’homme qui a interdit la présence des crucifix dans les salles de classe en Italie. Un contre-jugement doit être bientôt prononcé à la demande du gouvernement italien, appuyé par une opinion publique révoltée par la sentence. La laïcité peut très bien s’accommoder de signes religieux, qui sont partie intégrante de la culture d’un peuple.

Ma seconde raison tient à la personne d’Emile Poulat auquel je veux rendre hommage ce matin. Je me rendrai tout à l’heure aux obsèques de son épouse en l’Eglise des Blancs Manteaux à Paris. Je veux lui dire ici toute mon amitié dans sa peine, ainsi que ma reconnaissance à l’égard de son immense travail d’historien, si utile sur ce terrain sensible de la laïcité.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 1er juillet 2010.

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Un professeur juif défend le crucifix à la Cour de Strasbourg :
Joseph Weiler, professeur de droit à la « University School of Law » de New York, a défendu le crucifix, ce mercredi, devant la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (ECHR).

http://zenit.org/article-24874?l=french