Dans les faits et malgré différents accords, la guerre civile qui a éclaté en 2002 n’est pas terminée. Le Nord est contrôlé par des groupes de rebelles, le Sud par les troupes gouvernementales. Dans ce pays dont la superficie représente environ soixante pour cent de celle de la France, l’économie est en ruine. Comme la culture et l’exportation du café et du cacao sont dominantes, les prix qui peuvent en être tirés sur le marché mondial influencent énormément le développement de la Côte d’Ivoire, mais cela ne contribue pas à la stabilité économique et politique.
Cependant, il y a des signes d’un nouveau départ. D’après Mme Christine du Coudray, responsable de projet pour l’Afrique francophone et le Soudan au sein l’Aide à l’Église en Détresse (AED), l’Église catholique, à laquelle appartiennent environ 16 pour cent des Ivoiriens, a une responsabilité particulière. Environ la moitié de la population confesse une religion traditionnelle et à peu près un tiers est de foi musulmane. Après avoir visité en mars 2010 neuf des 15 diocèses catholiques du pays et rencontré 13 de ses 15 évêques, Mme du Coudray affirme que pour les évêques, la réconciliation et la reconstruction sont prioritaires. « Le pays s’est appauvri à la suite de la guerre civile. L’Église ne va pas mieux. Les catholiques ont besoin de notre aide. »
La musique pour rejoindre les jeunes
Un exemple du travail de l’Église est l’initiative d’évangélisation et de développement du diocèse d’Odienné au nord-ouest de la Côte d’Ivoire. La région est d’environ 50 000 kilomètres carrés. Environ deux millions de personnes vivent ici et la majorité de la population est musulmane. Le nombre de catholiques est minime : d’après l’évêque, Mgr Antoine Koné, en poste depuis juillet 2009, il y a actuellement 2 500 fidèles répartis dans huit paroisses et 15 prêtres sont disponibles pour la pastorale.
Mgr Koné connaît avec précision les conditions de vie des gens, leurs habitudes, leurs préoccupations et leurs désirs. Cet homme de 47 ans fait lui-même partie de l’ethnie des Sénoufos, qui résident surtout au nord de la Côte d’Ivoire. Il est originaire de Ferkessédougou, la deuxième plus grande ville de la région, située dans le diocèse de Katiola. Il connaît l’importance des coutumes et des instruments traditionnels, par exemple le Balafon, un instrument à percussion comparable au xylophone. Il est très populaire parmi les Sénoufos, mais également au sein de l’ethnie des Yacouba et parmi les immigrants provenant du pays voisin, le Burkina Faso. Il joue traditionnellement un rôle important dans les rites d’initiation et d’admission des jeunes à l’âge adulte.
Dans le diocèse d’Odienné, le Balafon est devenu l’instrument clé d’une initiative d’évangélisation et de développement qui fonctionne vraiment bien. Actuellement, Mgr Koné a déjà monté dix orchestres. Les participants, de jeunes autochtones issus de différents groupes ethniques, pour la plupart des musulmans ou provenant de religion traditionnelle, se rencontrent régulièrement pour faire de la musique, chanter et danser.
Lors des réunions, on parle aussi de la foi chrétienne, et l’intérêt est grand.
Rejoindre et former
Quelques morceaux de musique thématisent les convictions chrétiennes, parlent de l’importance de la charité et s’opposent par exemple, aux croyances fétichistes qui sont très répandues. « Comme je suis moi-même un Sénoufo et que j’ai fréquenté l’école coranique quand j’étais enfant, je connais les sensibilités de tous ces peuples qui sont ouverts au christianisme », explique Mgr Koné. Afin de mieux rejoindre le nombre toujours croissant de fidèles, Mgr Koné voudrait acheter un minibus ainsi que plusieurs motocyclettes.
Une autre préoccupation importante pour l’évêché d’Odienné, ainsi que dans les autres diocèses du pays, est le désir d’améliorer la formation religieuse et théologique. Une condition : les huit séminaires de Côte d’Ivoire ont besoin d’un équipement plus approprié. Ils manquent en effet des outils de base les plus essentiels : des livres et du matériel d’instruction, des ordinateurs et des imprimantes ainsi que du mobilier. De plus, nombre d’entre eux sont dans un état lamentable et nécessiteront dans les prochaines années des réparations majeures.
Les évêques veulent aussi encourager, à l’échelle nationale, le programme Youth Alive, l’éducation à la vie selon les préceptes de l’Église, qui touche déjà des milliers et des milliers de jeunes dans plusieurs pays africains. Son objectif est de proposer diverses avenues aux jeunes afin que leur vie ne soit pas détruite par le virus de l’immunodéficience (VIH), qui cause un préjudice permanent aux défenses immunitaires des gens. Certes, des médicaments peuvent prolonger la vie des personnes contaminées, mais en l’état actuel des choses, le virus et le SIDA – la maladie qui en découle – ne peuvent être guéris.
Pour l’Église, la meilleure protection contre la contamination est la fidélité à une relation existante, et l’abstinence de relations préconjugales. Les statistiques prouvent que cela peut radicalement faire chuter les taux d’infection. Par ailleurs, le fait de modifier ces comportements ouvre les yeux de nombreux adultes aux valeurs du mariage et de la famille.