Le roman de Belgrade - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le roman de Belgrade

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N’étant pas grand reporter comme Jean-Chrisophe Buisson, ni familier de Belgrade et de la Serbie, je n’ai dans la tête que quelques vagues images d’un pays et d’une capitale traversés, il y a très longtemps déjà sur un itinéraire qui me conduisait en Grèce. C’était encore le temps du maréchal Tito et donc de la Yougoslavie. J’avais quand même été frappé par les contrastes culturels d’une région à l’autre. Zagreb n’était pas Belgrade. Sarajevo et Scopié, c’était encore bien autre chose. Ainsi avais-je pu saisir fugitivement les contrastes des Balkans, sans me douter aucunement qu’un conflit éclaterait plus tard. Après la mort de Tito, qui à ce moment encore incarnait deux mythes considérables. Celui de la résistance à l’Allemagne hitlérienne et celui de l’autogestion. Beaucoup chez nous rêvaient du modèle yougoslave, différent du modèle soviétique, en se faisant d’ailleurs bien des illusions. Mais la rupture de Tito avec Staline avait constitué un des actes les plus symboliques de l’après-guerre. C’était le seul cas en Europe de l’est, d’un dirigeant qui avait osé braver le tyran et prendre son indépendance.

Mais cela est terriblement loin. Le temps a passé, il y a eu l’éclatement de la fédération yougoslave, cette guerre terrible, à propos de laquelle nos intellectuels se sont mobilisés. Mais aujourd’hui, il y a l’avenir possible dans le cadre d’une Europe réconciliée. Il faut souhaiter que la Serbie, comme les autres composantes de l’ancienne Yougoslavie nous rejoigne dans cette unité complexe qu’est l’Union Européenne. Jean-Christophe Buisson sait infiniment mieux que moi l’originalité de ce pays qu’il aime profondément et qui constitue à lui-seul une civilisation. C’est d’ailleurs là à mon sens, l’originalité de l’Europe, très différente des États-Unis. Chaque pays en son sein constitue une civilisation en soi avec sa langue, son histoire singulière, sa culture. Il y a quelques années, j’avais remarqué dans un article, que les deux finalistes de la coupe d’Europe de football, la Grèce et le Portugal, que l’on qualifiait pourtant de petits pays, constituaient l’un et et l’autre deux véritables continents symboliques : l’hellénisme et la lusitanité. L’hellénisme qui nous vient de la Grèce antique et de Byzance, la lusitanité qui fait encore de Lisbonne le centre d’un immense empire ultra-marin, qui passe par Rio de Janeiro, Luanda, ou encore Goa. On me dira que tout ce passé s’est enfuit et que tout doit être revu à l’aune de la mondialisation et de ses pays plus qu’émergents.

Certes ! Mais l’Europe n’en reste pas moins cette réalité complexe, faite de nations très différentes. J’ai souvent le sentiment partagé par beaucoup d’observateurs, qu’à l’heure de Bruxelles et de l’eurocratie, nous sommes beaucoup plus indifférents à ce que sont les autres pays qu’on ne l’était au dix-neuvième siècle, par exemple. J’ai lu récemment deux grandes biographies, une sur Madame de Stäel et l’autre sur Montalembert, qui m’ont rendu l’Europe de leur temps beaucoup plus vivante et concrète que ne l’est aujourd’hui l’Union Européenne. Comment expliquer ce paradoxe? L’eurocratie nous cacherait-elle l’Europe des peuples ? Y aurait-il tout simplement pour cette Europe d’aujourd’hui l’obligation de se connaître elle-même ?

Chronique sur Radio Notre-Dame du 4 mai 2010