Comment ne pas ressentir le drame de la nation polonaise en correspondance avec son histoire, et singulièrement sa relation avec son grand voisin russe ? Katyn, pour nos amis polonais, c’est une blessure d’autant plus profonde que le massacre de l’élite de l’armée polonaise sur ordre de Staline en 1940 a été nié pendant des décennies par les soviétiques, et que même en France la vérité a eu du mal à se faire jour.
J’ai assisté au combat universitaire et journalistique de mon amie Alexandra Viatteau, qui s’est battue contre une force de négation qui imposait sa loi jusque sur les antennes françaises! Pour qu’enfin la vérité retentisse sur Katyn, il faudra attendre le beau film de Wajda, qui constitua d’ailleurs pour le cinéaste une sorte de testament spirituel, pour livrer au monde la réalité brutale de l’exécution de plus de vingt mille officiers polonais et de responsables de la résistance.
Staline et ses complices voulurent attribuer leur crime à l’armée allemande, qui, d’ailleurs avait découvert le charnier en entrant en Russie, après qu’Hitler ait désavoué son pacte avec Staline. La vérité, c’est donc que Staline a voulu assassiné la Pologne en éliminant l’élite de son armée et en déportant au goulag un million huit cent mille Polonais dont plus de la moitié ne reviendra jamais. On a sciemment oublié la tragédie polonaise et la volonté d’effacer de l’histoire un peuple dont les deux totalitarismes criminels du vingtième siècle avait voulu se partager les dépouilles. Hitler et Staline, avant de se combattre dans une guerre inexpiable, s’étaient entendus pour écraser toute volonté de résistance polonaise. Il faudra attendre la perestroïka avec Gorbatchev, pour qu’enfin, du côté russe, on admette qu’on reconnaisse la vérité sur Katyn.
C’est dire le poids symbolique des événements de ces derniers jours. Le fait que le premier Ministre russe Poutine, ait accepté de se rendre à Katyn en compagnie de son homologue de Varsovie constituait un acte solennel de reconnaissance du crime et de l’identité de ses auteurs. Cette initiative était d’autant plus remarquable que Poutine avait semblé reculer par rapport à Gorbatchev et à Eltsine et sa volonté de préserver une certaine fierté russe et de ne pas trop mettre en cause les responsabilités soviétiques.
La venue du Président Lech Kaczynski à Katyn, accompagné d’une délégation imposante de la direction du pays constituait aussi une sorte de pèlerinage pour la nation au lieu le plus sensible de sa tragédie historique. Que l’avion du président et de sa délégation se soit écrasé sur les lieux même du souvenir constitue un signe que l’on pourrait interpréter d’abord dans le sens d’une perpétuation du malheur d’une nation.
Mais d’un sacrifice peut jaillir une espérance. S’il s’avérait vraiment que la réconciliation entre Russes et Polonais ait été scellée par ce drame, alors serait confirmée l’ouverture d’une autre page d’histoire, d’autant plus significative que c’est l’avenir même du continent européen qui se trouve engagé.
L’enjeu est vraiment considérable, tant la rencontre des traditions qui furent en conflit pluriséculaire peut changer la nature même de l’Europe. Pour le moment, la nation polonaise communie dans une unité impressionnante et dans la mémoire de son président, de son épouse, et de sa suite prestigieuse. Et puis, la figure de Jean-Paul II, dont on célèbre le cinquième anniversaire de la mort continue à éclairer le présent, pour montrer comment tout peut se dénouer dans la lumière.
Le Saint-Suaire
Ce Lundi, RND recevait Docteur Pierre Mérat, chirurgien, ancien interne de l’hôpital Saint-Joseph à Paris, président du CIELT (Centre d’International d’Études sur le Linceul de Turin).
http://www.radionotredame.net/emission/legrandtemoin/2010-04-12