Haïti - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Haïti

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Dans une tribune libre publiée dans le Monde du 19 janvier dernier, Régis Debray faisait une proposition singulière en faveur d’Haïti dévasté par la catastrophe que l’on sait. Il expliquait qu’il serait souhaitable que l’on applique à ce pays infiniment malheureux le concept de « pupille de la nation » créé en France au lendemain de la Première Guerre mondiale. Concept en vertu duquel, les descendants des victimes de guerre ont droit jusqu’à leur majorité à la protection morale et à l’aide matérielle de l’Etat en vertu d’un jugement d’adoption.

Analogiquement, Régis Débray proposait qu’Haïti devienne « pupille de l’humanité », l’organisation des Nations Unies assumant la mission de prise en charge de ce pays jusqu’à ce qu’il ait pu sortir de sa situation de dévastation. Plus concrètement encore, il envisageait de demander aux dix puissances les plus riches du monde de verser pendant 5 ans une contribution financière exceptionnelle dont l’usage serait soigneusement contrôlé. Il entendait ainsi préserver Haïti de toute emprise de domination et des risques de déresponsabilisation liés à un statut d’assistanat. Je ne sais si les idées généreuses de Régis Debray seront prises en compte par les puissances qui sont présentes en ce moment sur le terrain et singulièrement les Etats-Unis et la France. Mais j’ose espérer qu’on en retiendra tout de même l’essentiel.

Notre philosophe connait bien Haïti et ses difficultés, pour y avoir assumé il y a quelques années une mission de conciliation au nom de la République française. Il connaît notamment l’histoire qui nous lie avec cette terre d’implantation massive d’esclaves, qui fit jadis la fortune de ville comme Nantes et Bordeaux. La France est bien dans une situation tout à fait singulière à l’égard de son ancienne colonie, même si les Etats-Unis sont beaucoup plus présents et agissent directement dans les affaires compliquées de Port-au-Prince. Faut-il parler de repentance et de nos obligations inaliénables ? Reconnaissons que la repentance appartient à un lexique plus religieux que politique et que, par ailleurs, il peut être périlleux pour les bonnes relations entre nos deux pays de demeurer trop dans la dépendance du passé. C’est l’avenir qu’il s’agit d’ouvrir largement, en tenant beaucoup plus compte d’une fraternité à développer que d’une mémoire des blessures à cautériser. Parler la même langue, n’est-ce pas disposer d’une relation absolument privilégiée, plus riche de potentialité que de regrets.

Enfin, je dirais un mot – et là-dessus le père Philippe Kloeckner est beaucoup plus autorisé à parler que moi – de nos liens de catholiques avec un pays largement catholique. Comment ne pas ressentir plus que de la fraternité humaine, une communion eucharistique avec une population qui célèbre le saint sacrifice dans ses cathédrales et ses églises en ruines? La foi du peuple haïtien est pour nous un beau témoignage, à l’heure où un certain esprit voltairien inciterait à contester la Providence et l’amour divin lui-même qui tolèrent de tels malheurs. Jean-Paul II lors de sa visite à Haïti en 1983 avait scandé des paroles devenues célèbres: « Il faut que quelque chose change ici. » Le pape songeait évidemment à la situation insupportable créée par une dictature qui allait bientôt disparaître. Mais le changement préconisé concernait plus largement l’existence d’une population et ne peut pas ne pas nous interroger nous-même. Oui, il faut que quelque chose change en nous, à l’égard d’Haïti.

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