Il est impossible d’échapper aujourd’hui à la Chine. Elle est au cœur du bouleversement actuel de la planète, elle est très probablement le principal agent de ce qu’on appelle la mondialisation. D’ores et déjà son statut de nation émergente pose à terme la question du leadership américain. D’ailleurs, l’économie des Etats-Unis n’est-elle pas en partie prise en otage par la Chine ? L’évolution de la puissance la plus nombreuse du monde pose, par ailleurs, d’énormes problèmes que Christophe Albert, notre invité de ce matin, est à même de mesurer et sur lesquels les témoignages autorisés nous invitent à nous interroger : le décollage économique est certain, il transforme le pays, la société, fait émerger une nouvelle classe moyenne, mais il provoque aussi des dégâts inestimables, des souffrances qui amènent des révoltes, sur lesquels nous sommes, en Occident, trop discrets.
Si l’on prend quelque recul par rapport à cette explosion, on se rend compte du caractère vertigineux de l’évolution de ce pays-continent. Dans les années 60, au Quartier latin, le maoïsme était un objet d’investigation, d’admiration, et parfois suscitait une vraie hystérie militante. La Révolution culturelle était mythifiée, et pour les plus exaltés de nos révolutionnaires, elle constituait le modèle absolu qu’il fallait étendre au monde entier. On peut dire que l’illusion a fait long feu. On sait que la Révolution culturelle a été une folie sanglante qui a martyrisé une population terrorisée. Pourtant le mythe avait été suffisamment efficace pour impressionner des intellectuels et des observateurs, qui, a priori, auraient dû être allergiques à la propagande maoïste. Je pense à un Alain Peyrefitte, un homme politique particulièrement brillant et qui fut en son temps une sorte d’apologète de la révolution maoïste. Certes, il en signalait le coût, mais en le minimisant singulièrement et en valorisant étrangement ce qu’il appelait « les succès de la voie chinoise ».
C’est en 1973 que Peyrefitte publia son livre « Quand la Chine s’éveillera… » Il s’agissait d’une prophétie de Napoléon qui avait annoncé que quand cet éveil se produirait, le monde tremblerait ! En ce sens, malgré ses défauts aujourd’hui patents, le livre de Peyrrefitte a été prémonitoire. Sa principale erreur a été de croire que c’est le maoïsme qui allait entraîner la Chine vers son éveil économique alors que c’est précisément le désaveu du désastre maoïste, notamment celui de la révolution culturelle, qui a permis l’essor actuel de l’ancien Empire du milieu. Nous avons affaire aujourd’hui à une puissance capitaliste toujours dirigée d’une main de fer par un parti communiste. Cette réalité déconcertante s’impose à nous, au mépris de toutes nos certitudes et de nos convictions. C’est Deng Xiaoping qui a permis à la Chine de s’éveiller et non Mao Tsé-Toung.
Une question se pose pour nous chrétiens. Hier encore révolution et religion, a fortiori maoïsme et christianisme étaient incompatibles. Sommes-nous dans une situation vraiment nouvelle, où la liberté de conscience et la liberté religieuse pourraient enfin acquérir tout droit de cité ? Le christianisme pour la Chine n’est pas une découverte récente. Il a une histoire qui remonte très loin et qui, au tournant des seizième et dix-septième siècles a fourni d’étonnantes figures comme celle du Jésuite Matteo Ricci, un vrai missionnaire fondateur et le plus grand initiateur de ce qu’on appelle l’inculturation. Une autre page de cette histoire commence t-elle à s’ouvrir?
— –
L’émission de Radio Notre-Dame avec Christophe Albert
Voire la note de lecture sur le livre de Christophe Albert parue dans France Catholique n°3200 du 19 février 2010.
http://www.france-catholique.fr/Le-Dragon-dans-le-brouillard.html
