Esprit et « Le déclin du catholicisme européen » - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Esprit et « Le déclin du catholicisme européen »

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La revue Esprit a été fondée dans les années 30 du siècle dernier par un philosophe catholique, Emmanuel Mounier. Bien qu’elle se veuille a-confessionnelle, la revue demeure marquée par ses origines et le nombre de ses collaborateurs chrétiens demeure significatif. J’ai bien connu Jean-Marie Domenach qui fut le second successeur de Mounier après le bref inter-règne de l’écrivain Albert Béguin. J’ai conservé le meilleur souvenir de lui. C’était un homme chaleureux, exigeant. Mon estime demeure grande à son égard parce qu’il savait remettre son propre passé et ses engagements en question, d’une façon parfois surprenante. La revue – mais qui s’en étonnerait? – a connu au cours de ses huit décennies d’existence plusieurs tournants importants, notamment lorsque dans les années 70, elle milita résolument aux côtés des dissidents du communisme dans les pays de l’Est, ce qui représentait une rupture dans l’histoire de la gauche française, même dans la mouvance catholique. Il serait aussi intéressant d’étudier les fluctuations d’Esprit à propos de l’histoire contemporaine du catholicisme. Plusieurs numéros spéciaux sur le sujet ont fait date.

Je me souviens notamment de l’un d’eux, dans la période post-conciliaire, où dominait un article de René Pucheu intitulé « Confession d’un paumé ». Il mérite de demeurer dans les annales comme un des témoignages significatifs de la crise profonde vécue par beaucoup dans la foulée des années 60.

Mais justement, le numéro de février d’Esprit nous offre un nouveau dossier intitulé « Le déclin du catholicisme européen ». Vu l’importance du sujet, j’avoue avoir lu d’une traite les 72 pages, aiguillonné par le caractère encore plus provocateur du titre de l’article de tête, signé Jean-Louis Schlegel: « Adieu au catholicisme en France et en Europe ? » Je suis sorti de ma lecture à la fois très intéressé mais profondément déçu.
Intéressé parce que ce dossier donne quelques pièces dignes de réflexion et poursuit des débats qui suscitent des polémiques récurrentes comme sur la sexualité dans le discours de l’Église. Profondément déçu car les réponses apportées me paraissent en décalage totale avec les questions posées. La question du déclin du catholicisme est quand même en lien direct avec la foi ou l’absence de foi de nos contemporains en Jésus Christ. Or de cette foi, la revue ne parle presque pas. C’est un certain regard sociologique qui prend le dessus. Ou, si les problèmes de la philosophie et de la théologie sont abordés, ce n’est que de façon purement négative sans que leurs enjeux véritables soient élucidés. Il est intéressant de savoir que certains théologiens ont été déstabilisés par la déconstruction, mais on aimerait en savoir plus sur la pertinence du concept et sur les développements auxquels il a donné lieu, notamment chez un penseur comme Jean-Luc Marion. Mais de cela, nous ne saurons rien. De même, un nom comme celui de Jean-Marie Lustiger, qui a profondément marqué le catholicisme français et européen pendant un quart de siècle n’est même pas cité.

Je veux bien admettre que la morale sexuelle joue un grand rôle dans notre modernité. Encore faudrait il la présenter de façon moins unilatérale et répondre à une objection. Si la morale catholique explique le déclin du catholicisme, abandonné par nombre de fidèles, pourquoi, alors, le protestantisme qui s’est aligné sur des positions complètement libérales ne se porte t-il pas mieux? Je l’ai déjà dit, mais il faudra y revenir.