Michel Maffesoli - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Michel Maffesoli

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Je ne puis ici entrer dans le type de sociologie pratiquée par Michel Maffesoli, à l’école d’un Gilbert Durand, et je n’ai pas lu assez pour émettre des opinions autorisées. Toutefois, il m’a semblé percevoir dans cette voie marginale par rapport à la tradition universitaire française quelque chose d’essentiel qui se rapporte à des courants majeurs de la culture. J’en parle évidemment dans une perspective chrétienne et à dessein en cette fête de Notre-Dame de Lourdes. Après tout ce phénomène des apparitions à une petite fille des Pyrénées ne constitue-t-il pas en soi une formidable provocation au rationalisme du dix-neuvième siècle, tout autant qu’à notre propre rationalisme ? Les esprits forts ont souvent méprisé la foule des humbles allant puiser l’eau au rocher de Massabielle. Il y a une poétique supérieure du symbolisme du rocher, de la source, de la lumière des cierges, sans compter celle de l’apparition qui est comme un défi à la rationalité desséchée d’une certaine modernité.

Je reprendrais simplement pour me faire comprendre quelques lignes de Gertrude von Le Fort : « Les symboles sont des signes ou des images, grâce auxquels les réalités et les essences ne sont pas connues abstraitement, mais contemplées en figure. Ils sont, dans le visible le langage de l’invisible. » Malheureusement disait encore Gertrude Von le Fort, « la langue des symboles a été autrefois une langue universelle, partout comprise par la pensée vivante: aujourd’hui la logique et ses concepts abstraits l’ont presque complètement évincée. » On pourrait faire tout un cours d’histoire des idées là-dessus, en mettant en cause un certain cartésianisme et le rationalisme qui en a résulté au dix-huitième siècle. » Contre ce rationalisme, il y a bien l’opposition heureuse de notre La Fontaine, qui est un peu l’équivalent d’Homère pour nous, et qui est, à lui seul, la réplique à une certaine vision abstraite et étriquée du monde et de l’homme à l’intérieur de ce monde.

Un grand philosophe italien du dix-huitième siècle, Jiambatista Vico a défié ce rationalisme en voulant rappeler l’existence de ce qu’il appelait « les universaux fantastiques » et qui concernent notre présence dans le sensible et l’imaginaire. Chez nous, l’historien Jules Michelet est un des rares à s’être intéressé à Vico, qui confortait sans aucun doute sa sensibilité particulière à la poésie de la geste nationale, mais il l’a mal compris et, en tout cas, de façon très incomplète. On pourrait s’étonner que La Fontaine ait si longtemps subsisté dans notre Éducation nationale, alors qu’il était si contraire à la pensée prégnante dans l’Université. Je soulignerai également que c’est l’Eglise qui a sauvegardé aussi la riche intériorité des sentiments et des images dans sa piété, sa liturgie et ses symboles. Il est possible aussi d’ailleurs que l’attention toute particulière de notre pape Benoit XVI pour le sens de la liturgie constitue une invitation pressante à nous ressaisir du grand symbolisme des rites qui a parfois été perdue dans les dernières décennies. Dieu sait que l’Église, avec ses docteurs, excelle dans les grandes synthèses doctrinales, mais elle déploie aussi toutes les ressources de la création, et donc celles de la sensibilité et de l’imagination dans une pratique synthétique qui nous faut absolument actualiser aujourd’hui.

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http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Maffesoli