Henri Tisot - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Henri Tisot

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Cher Henri Tisot, avant que je vous rencontre avec votre chère maman, dans votre bel appartement peuplé de cris d’oiseaux, vous étiez pour moi une sorte de mythe. Un mythe vivant certes, mais un mythe ! Je n’ai pas fait cette remarque à beaucoup de monde dans ma vie. Une autre fois, au professeur André Mandouze que je rencontrais dans un studio de France Culture pour lui porter la contradiction. Je lui ai glissé cela avant l’émission comme pour m’excuser. Il faut être gonflé pour contredire un mythe! Mais vous l’êtes à un autre titre, celui que vous rappelez dans votre dernier livre « de Gaulle et moi ». Je fus l’enfant d’une de ces familles françaises dont vous fîtes la joie en devenant une sorte de sosie du général, à un moment où on avait bien besoin de rire pour compenser les tristesses de l’époque. J’ai évidemment pris grand plaisir à lire vos souvenirs sur ces moments exceptionnels où vous avez acquis une formidable célébrité.

Mais j’assistai bien des années plus tard à la mutation du mythe. Ce fut dans un lieu prédestiné, rien moins que Paray-le-Monial, la cité du cœur du Christ, à quelques centaines de mètres de la sublime basilique romane et de la chapelle des apparitions. Le sosie du général s’était fait, pardonnez du peu, prédicateur de la bonne nouvelle, j’en fus subjugué. Comment expliquer une telle métamorphose ? Vous teniez votre public en haleine des heures durant, en vous faisant l’exégète des saintes écritures. Vous avez expliqué plus tard que vous teniez une bonne partie de votre science d’un rabbin aujourd’hui décédé et qui vous avait, en quelque sorte, introduit dans sa Yeshiva. Il m’a semblé alors que vous interveniez selon les vues de la Providence, telles qu’elles se sont manifestées à Vatican II et à sa suite avec Jean-Paul II et Jean-Marie Lustiger. Vous rétablissiez l’unité de la Bible, en montrant comment le Nouveau Testament n’est pas lisible sans l’Ancien. Plus tard, vous ferez un livre où vous concentrerez tout ce que vous avez appris sur les sens de l’Écriture. J’en ferais un compte rendu assez substantiel en vous associant – ce qui est pour moi le suprême hommage – à l’enseignement du cardinal Henri de Lubac. Le théologien qui avait déjà réhabilité l’exégèse symbolique d’Origène dans son grand ouvrage intitulé Histoire et Esprit, ce qui est tout un programme, et qui avait montré par la suite dans ses quatre gros volumes d’exégèse médiévale, que notre Moyen-Age monastique avait poursuivi dans la même voie, en reprenant les quatre sens traditionnels de l’Écriture : littéral, allégorique, mystique, moral. Mais de ce point de vue aussi, l’interprétation juive rejoint l’interprétation chrétienne. Et vous-même vous inscrivez dans une prestigieuse continuité, illustrée aussi bien dans le même douzième siècle par le rabbin Rachi que par Bernard de Clairvaux.

C’est dire que vous vous étiez lancé, vous le comédien, l’artiste, l’imitateur dans une étonnante aventure dont j’oserais dire que les enjeux sont considérables. Car retrouver nos frères aînés, pour reprendre l’expression du grand poète polonais Adam Mickiewicz adoptée par Jean-Paul II, ce n’est pas seulement guérir les blessures de l’Histoire, c’est reprendre à nouveaux frais la parole même de Dieu, cette parole qui nous enseigne et qui nous nourrit, parce que nous sommes les enfants de la Promesse, une Promesse qui s’est accomplie mais qui nous ouvre à l’espérance de l’ultime Avènement.

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