La tragédie d’Haïti nous impose de la façon la plus urgente et la plus impérieuse le devoir de solidarité. Un homme comme Xavier Emmanueli incarne cela pour nous de façon privilégiée. Et même s’il est un peu dérisoire, pour moi en tout cas, de théoriser sur la solidarité, alors que celle-ci requiert d’abord l’engagement le plus concret, on me permettra de proposer modestement quelques réflexions sur son sens spécifique. D’autant que c’est la vie même du fondateur du samu social qui nous y invite. Bien sûr, dans la situation d’Haïti et de Port Prince, on ne réfléchit pas, la solidarité sur place entre les survivants s’organise spontanément. On tente de sauver le frère, le voisin, même l’inconnu, qu’il faut arracher tout de suite à la mort. Sur le plan international, la solidarité simplement humaine suscite la mobilisation générale et il n’y a plus de distances qui comptent, la fraternité fait des Haïtiens les plus proches, à qui on tend la main.
Ma réflexion portera sur le sentiment qui nous convie au secours de l’autre. En chrétien je suis tenté de parler tout de suite de la charité et de l’amour du prochain. Et le non-chrétien peut évidemment s’y reconnaître, ne serait-ce qu’au travers de la fraternité spontanée. Pourtant, il fut un temps, pas si lointain, où on discutait ce mot de charité que l’on trouvait fade, presque dérisoire, et parfois même ridicule. Bien sûr, une expression comme faire la charité donnait un sentiment insupportable. On s’insurgeait au nom de la justice. Si on devait venir en aide au secours du démuni, c’était en vertu d’une justice universelle qui devait reconnaître la dignité de tous et aboutir à une organisation sociale, étatique, voire internationale, ou les droits de chacun seraient reconnus et garantis. Bien sûr que la justice est une notion capitale, indispensable, fondatrice. Mais la charité était-elle du coup dévalorisée, infériorisée, voire délégitimée? Je ne le pense pas et je crois même que l’expérience d’un Xavier Emmanueli nous le montre d’évidence.
Ce qui l’a poussé à agir dès Nanterre, n’est-ce pas le rapport personnel à l’autre, cette solidarité qui conduit à reconnaître d’abord le frère dans celui qui souffre ou vit seul dans la rue ? C’était toute la question posée par Mère Thérésa avec l’attention qu’elle accordait au regard à celui qui était en train de mourir sur les trottoirs de Calcuta. Ce n’est pas une entreprise humanitaire, moins encore un business de la charité qu’organisa la petite sœur, fondatrice des missionnaires de la Charité. On la critiqua parfois pour son amateurisme. Elle ne dédaignait nullement la légitimité et la priorité de l’humanitaire, mais elle avait sa vocation spécifique. La charité, une charité vécue dans la proximité absolue, et dans l’ombre même de l’amour de Dieu. Le Jeudi saint, la liturgie fait retentir le cantique « ubi caritas et amor ». Là où sont l’amour et la charité, Dieu est présent. C’est là l’ultime sens du sacrement du frère. La charité n’est pas subalterne, encore moins méprisable. Elle est la dimension la plus profonde, la plus mystérieuse de notre humanité. Avec la charité, Dieu est présent. Ubi caritas et amor, ubi caritas Deus ibi est.
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