Trinh Xuan Thuan et Jean Staune : science et création - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Trinh Xuan Thuan et Jean Staune : science et création

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Trinh Xuan Thuan, astrophysicien, prix Kalinga 2009, auteur de « Le dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles » (Plon/Fayard).

Jean Staune, philosophe des sciences, diplômé en paléontologie, secrétaire général de l’Université interdisciplinaire de Paris, auteur de « Notre existence a-t-elle un sens ? » (Presses de la Renaissance), a dirigé « Science & quête de sens » (Presses de la renaissance) qui avait rassemblé 15 auteurs dont 4 prix Nobel.

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Devant deux personnes aussi compétentes que Trinh Xuan Thuan et Jean Staune, j’aurais presque envie de me taire carrément. Me taire pour écouter et pour essayer de comprendre le langage de deux scientifiques, forts d’un savoir qui m’est sinon étranger, du moins difficilement accessible. Et pourtant, je les écoute avec passion car ils sont partie prenante d’un débat essentiel, souvent polémique jusqu’à l’incandescence. Il suffit de consulter certains sites internet pour être édifié à ce propos. Tout essai de réflexion qui prétend s’émanciper des principes d’un matérialisme pur et dur, ouvertement athée, est immédiatement pris violemment à parti. Il me semble qu’un tel combat, fondé sur des axiomes qui se veulent irréfutables, est marqué dès le départ d’une équivoque fondamentale. On voudrait faire de modèles de rationalité scientifique des principes métaphysiques. Ou plutôt des principes qui nient toute métaphysique. Or, s’il est indispensable de respecter rigoureusement les protocoles scientifiques, il est spécieux d’établir une équivalence comme un Jean-Pierre Changeux entre la neutralité philosophique de l’expérience du chercheur et l’athéisme philosophique.

Je dirais – mais là je m’expose aux jugements de nos deux invités – que la prise de position philosophique correspond à une étape seconde de la réflexion, qui est bien sûr en cohérence avec l’étape première que constitue la rationalisation scientifique. Jean-Pierre Changeux -je le cite encore une fois, parce que j’ai eu l’occasion d’échanger longuement avec lui sur ce point- lorsqu’il affirme son matérialisme, fut-il neuronal, accède ce faisant à cette réflexion seconde, qui appartient à un autre champ d’intelligibilité, en rapport direct avec le précédent bien sûr, mais obéissant à d’autres règles spécifiques de légitimation.

J’en viens alors à un autre domaine essentiel pour moi, qui est la relation de la réflexion scientifique avec la Révélation chrétienne. Il est impossible, en effet, à un chrétien de ne pas établir cette relation à travers la notion centrale de création et l’enseignement spécifique de Saint Paul à ce propos. Pour Paul notamment, la Création est directement associée au Verbe. Un grand exégète, le père André Feuillet, écrivait que « le Christ incréé est comme le miroir dans lequel Dieu a contemplé le plan de l’univers lorsqu’il l’a créé ». L’Incarnation et la Rédemption ont une dimension cosmique qui rejoint la totalité de la création. Un Pierre Teilhard de Chardin a été extraordinairement sensible à cette dimension, et nous pouvons revenir à son œuvre aujourd’hui que son appropriation par trop idéologique est devenue obsolète. L’inspiration de Teilhard est, en effet, complètement paulinienne. Il me semble qu’il faut complètement la retrouver aujourd’hui, pour surmonter un double obstacle. Obstacle de insignifiance d’un monde ramené à l’irrationalité de l’absurde, celle du hasard et de la nécessité. Obstacle d’un nihilisme existentiel qui anéantit l’homme même, considéré comme un gêneur et jeté au rebut des excroissances de la nature. Il nous faut contre ce double péril retrouver la théologie paulinienne d’une création où le Verbe a inscrit son chiffre dès l’origine, et où l’homme retrouve sa royauté de fils de Dieu, créé et recréé de façon admirable.»