Pierre Boz. Une fin des temps. Fragments d’histoire des chrétiens en Algérie.
Desclée de Brouwer. 2009. 289 pages, 20€
Père blanc à Fort national, assistant de Mgr Lacaste évêque d’Oran en 1962, chargé de mission par le cardinal Feltin en 1965, arabisant et islamologue, Mgr Boz connaît bien également la culture berbère et est attaché aux kabyles qui sont devenus chrétiens, dont il retrace l’histoire.
Ses missions l’ont amené à faire une enquête approfondie sur l’enlèvement (peut-être par les barbouzes) du Père Montet et de deux enfants, à libérer des femmes qui étaient séquestrées à Oran, à retrouver un chaouch chrétien isolé dans le djebel.
Il condamne la violence de cette guerre révolutionnaire, les promesses trahies du Congrès de la Soummam, la technique de la razzia héritée du passé, la torture pratiquée sans être généralisée, les enlèvements destinés à faire fuir les Européens, les prisonniers saignés à blanc par les médecins du FLN, le massacre du 5 juillet 1962 à Oran. L’indépendance n’a pas éliminé la violence contre les chrétiens et les religieux, qui nombreux furent enlevés et assassinés en 1993 et 1996
Ayant vécu les derniers jours de l’Algérie française, il témoigne ici de la fin programmée de l’Eglise d’Algérie, et de la responsabilité qui fut celle du cardinal Duval, une personnalité complexe, qui dès les années 1950 a pris la défense de la communauté musulmane et a prôné une solution politique soutenue par la violence la plus extrême. Il lui est arrivé une seule fois, lors des barricades, de se soucier de protéger les chrétiens. Son attitude pose plusieurs problèmes : – celui de sa parenté avec la théologie de la libération – celui de la juridiction des évêques dans les pays non chrétiens – celui de la politique du Vatican.
Une autre théologie est mise en question, celle de l’enfouissement, incarnée par le Père de Chergé et les moines de Tibhirine, dont Pierre Boz relate l’enlèvement (le jour du décès du cardinal Duval) et les suites judiciaires actuelles.
In fine, Mgr Boz rappelle l’histoire de l’Eglise en Algérie depuis Saint Augustin, les échanges de Mgr Dupuch avec l’émir Abd el Kader, l’hostilité de l’administration au cardinal Lavigerie et l’interdiction du prosélytisme, la solidarité franco-musulmane et les symboles de piété mariale. Les personnalités de Mgr Scotto et Claverie, et de l’abbé Berenguer, sont également évoquées.
Un livre courageux et lucide, qui retrace l’histoire douloureuse et controversée de la mort d’une Eglise.