Quand tout semble perdu et que toute communication paraît impossible, quand un mur de la honte sépare les hommes, comment faire pour retisser des liens entre ceux que tout, en particulier la guerre, semble opposer ? Par la musique répond ce film émouvant et salutaire.
Parce qu’il avait déjà réussi l’exploit d’organiser un concert, en 1994, avec des musiciens serbes, bosniaques et croates, dans la cathédrale de Sarajevo, Jean-Yves Labat de Rossi, un ancien rocker devenu producteur de musique, a eu l’idée folle, de recommencer, mais cette fois avec des musiciens israéliens (juifs et arabes) et des musiciens arabes de Cisjordanie et de Gaza. De son propre aveu, c’est parce qu’il est Français et chrétien qu’il a pu organiser cette tournée. C’est en novembre 2004 qu’a lieu, à Jérusalem, le concert « D’une seule voix », en présence de Renaud Donnedieu de Vabre, alors ministre de la Culture.
Il aurait pu en rester là, mais l’homme est du genre persévérant pour ne pas dire idéaliste, et il a pensé qu’organiser une tournée, dans quatorze ville de France permettrait à ces musiciens d’horizons différents de tisser des liens plus étroits. Xavier de Lauzanne, un documentariste français, a pris sa caméra pour les suivre, du 14 au 31 mai, à travers les routes de France, privilégiant les scènes de coulisses à celles du concert proprement dit. Car c’est là que tout se passe.
Avec une unique caméra, Xavier de Lauzanne tente de capter l’ambiance entre ces musiciens, au début prêts à jouer le jeu. Puis, il y a des dérapages : un musicien fait une citation de Mahmoud Abass dans un discours public, des chanteuses font le signe de la victoire, pendant le concert, etc. Mais ces dérapages, qui témoignent de tensions entre les musiciens, restent des événements isolés qui ne prendront pas d’importance, tant les uns et les autres sont disposés à se montrer accueillants et prêts à apprendre à connaître celui qui est présenté, dans leur pays, comme leur ennemi. Car entre les Israéliens, habitués aux tournées internationales et au confort qui va avec, et les Palestiniens de Gaza qui ne sortent jamais de chez eux et ne connaissent pas le luxe d’une vraie salle de bains, il y a un monde. Mais la musique est là, la musique, seule langue universelle et qui est en prise directe avec la sensibilité. La musique, dont on dit qu’elle adoucit les mœurs, est, surtout, un extraordinaire lien entre ces êtres qui y ont consacré leur vie.
Comme le dit si bien une des chanteuses : « Chanter le chant de ceux qui sont de l’autre côté empêche de les bombarder ! ». Et, peu à peu, à force de se côtoyer et de s’écouter mutuellement, on sent que ces musiciens (ils jouent tous des musiques de genres différents) finissent par s’estimer, mieux, par s’apprécier. Des amitiés, au début timides, naissent, formant comme un pont capable d’enjamber tous les murs (surtout celui de la honte !). « Ils chantent notre culture, nous chantons leur langue », dit une autre chanteuse qui ponctue d’un « Ça, c’est la paix ! » réconfortant. Malheureusement, on apprend qu’un musicien palestinien a été tué, quelques temps après par un tir de roquette. Grâce à « D’une seule voix » cette nouvelle va, pour la première fois, bouleverser des musiciens israéliens.
Marie-Christine Renaud d’André
D’une seule voix. Documentaire français (2008) de Xavier de Lauzanne, avec Jean-Yves Labat de Rossi (1h23).
D’UNE SEULE VOIX – LE 11 NOV. AU CINEMA
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