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Il nous faut bien revenir avec la présence d’un observateur aussi aigu que Jean-Michel Quatrepoint aux questions essentielles que pose aujourd’hui la crise du système capitaliste. Je sais bien que ce seul intitulé « crise du système capitalisme » pose beaucoup de questions et n’est pas unanimement accepté. Le capitalisme a connu suffisamment de crises dans son histoire pour que l’on puisse penser qu’il est vraiment, fondamentalement, en crise. Ou alors il faudrait plutôt dire que la crise est son état naturel, parce que sa nature est de se remettre sans cesse en cause. J’ai entendu plusieurs fois ce discours ces temps-ci et il ne me convainc pas vraiment.
Certes, le capitalisme a su victorieusement, par exemple, surmonter la formidable dépression qui a suivi la crise de 1929 et il en est sorti transformé. Je note, sur cette transformation, qu’il y a tout de même un profond désaccord puisque bon nombre de libéraux classiques n’acceptent pas du tout les théories de Keynes. Celles-ci supposent en effet un solide interventionnisme de l’Etat dans l’économie, que le libéralisme pur, celui du tout-marché, rejette par principe. Alors, dans ces conditions, les mutations du capitalisme seraient purement conjoncturelles et n’admettraient pas vraiment de correction de fond. Cette affirmation me laisse profondément perplexe.
Le béotien que je suis a envie de poser des questions là-dessus à Jean-Michel Quatrepoint. Une des causes fondamentales de la crise actuelle ne vient-elle pas des effets de la spéculation financière ? Le Krach, qui en a été l’effet incontestable, est-il l’affaire d’un moment simplement malheureux ? Va t-on, après que les caisses auront été renflouées par l’Etat, revenir aux délices de la douce spéculation ? Et n’est-ce pas un peu ce qui se passe en dépit de tout ce que l’on nous a annoncé à la récente réunion du G20 ? Autre façon de poser la question, en dépit de beaucoup de déclarations d’attention de notre Président, et de son conseiller Henry Guaino, la notion de régulation mondiale de l’économie et celle de moralisation financière ne sont-elles pas illusoires pour un système qui n’avait besoin que d’un petit répit pour reprendre son souffle ?
Dès lors, on aura beau réfléchir, se creuser la tête, faire des colloques autour de la dernière encyclique du Pape, tout cela ne serait que de la frime. Le capitalisme sera toujours le capitalisme, il ne sera jamais régulé. Le serait-il, qu’il ne serait plus le capitalisme. Puisque s’il n’est plus le règne de la main invisible, il perd son dynamisme qui tient à l’expansion autonome des forces du profit. Et quoi qu’on en dise de la spéculation. Donc, tout changer pour ne rien changer, selon l’expression de Lampedusa dans « Le Guépard ». Une fois de plus, ce serait une crise pour rien, ou plus précisément une crise de plus après quoi tout redeviendrait comme avant. Je le demande à nouveau à Jean-Michel Quatrepoint : est-ce vrai? Tout peut-il recommencer comme avant la crise ? Ou les dirigeants seront-ils contraints à des révisions drastiques sans lesquelles nous irons vers d’autres catastrophes peut-être encore plus graves ?
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