Faut-il avoir honte de sortir d'HEC ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Faut-il avoir honte de sortir d’HEC ?

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Dans Le Figaro magazine de samedi dernier, sous un titre choc « Faut-il avoir honte de sortir d’HEC? », on peut lire un étonnant débat, d’une singulière virulence. Il oppose deux anciens élèves de cette prestigieuse école des Hautes Etudes Commerciales, d’où sont sortis tant de dirigeants de nos grandes entreprises.

D’un côté, Françoise Noiville, aujourd’hui journaliste et écrivain, qui vient de publier un ouvrage au titre non-équivoque: « J’ai fait HEC et je m’en excuse. » De l’autre Denis Kessler, aujourd’hui PDG d’un grand groupe international de réassurances, et par ailleurs vice-président du MEDEF. Ce que le Figaro magazine ne rappelle pas, c’est que cette figure éminente du patronat français fut dans sa jeunesse un militant d’extrême-gauche, marxiste, et donc partisan de l’abolition pure et simple du capitalisme. Il a, depuis, complètement changé puisqu’il est devenu le chantre d’un libéralisme économique absolu – d’aucuns diraient de l’ultra-libéralisme – et qu’il ne craint pas d’affirmer que son but est de mettre fin au modèle social français, tel qu’il est né du programme social du Conseil National de la Résistance ! C’est dire que le débat avec Florence Noiville tourne très vite à l’affrontement, et qu’on a même le sentiment d’une sorte d’incommunicabilité.

Florence Noiville attaque directement la formation donnée à HEC, qui débouche, dit-elle sur un non-sens. Elle dénonce un système déshumanisant qui entraîne les futurs dirigeants à ne faire que de l’argent en oubliant le sens des choses. Elle dit connaître nombre d’anciens des grandes écoles « qui se bricolent des secondes vies pour injecter du sens dans une existence dont ils ne voient guère l’utilité sociale et avec laquelle ils sont volontiers en désaccord ». Florence Noiville ajoute qu’ils n’ont rien vu venir de la crise actuelle et ne craint pas d’évoquer les suicides dans les entreprises pour mettre en cause ce type de formation. Denis Kessler, de son côté, reproche à son interlocutrice de ne pas aimer le libéralisme et trouve indécente cette charge contre des dirigeants qui assurent la croissance de l’économie, l’équilibre financier et la sauvegarde de l’emploi.

La bataille s’achève sur le constat d’un désaccord insoluble. Si j’ai voulu le signaler ce matin, c’est qu’il me semble significatif de notre situation présente. Je ne puis reprocher à Denis Kessler de défendre l’entreprise et le système économique. Si les dirigeants du patronat ne croyaient pas à leur rôle, il leur faudrait mettre la clé sous la porte et placer tout le pays en hibernation économique. Mais par ailleurs, je ne puis être indifférent aux réquisitoires de ma collègue-journaliste. Nous voyons bien que la crise actuelle pose des questions de fond et que l’épidémie de suicides à France Télécom ne concerne pas cette seule grande entreprise. Je crains par ailleurs que la dénonciation des dirigeants n’aboutisse à un processus mimétique extrêmement pervers. Que l’on prenne nos managers pour cibles, cela peut à terme devenir dangereux. Certes, comme responsables ils ont à rendre compte de leur gestion et des dégâts humains que l’on constatait encore la semaine dernière. Mais il serait peut-être grand temps que les uns et les autres se mettent à réfléchir ensemble pour sortir de leur incommunicabilité. Ne convient-il pas au plus vite de se parler, ainsi que nous y invite un texte d’une très forte actualité, qui s’intitule La charité dans la vérité?

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