Je sais bien que c’est extraordinairement difficile pour les hommes politiques et même pratiquement impossible, puisque ce serait contrevenir au principe premier de la laïcité, c’est-à-dire à la séparation du temporel et du spirituel. « La République ne reconnaît ni ne finance aucun culte. » C’est entendu depuis 1905. On la voit mal défendre un commandement qui vient de Dieu. Des députés qui auraient le front de se réclamer de la Sainte Ecriture et du livre de l’Exode seraient tenus pour insensés. « Pendant six jours tu travailleras, et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour est un sabbat pour Yahvé ton Dieu. Tu n’y feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’étranger qui réside chez toi, car en six jours Yahvé a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent mais il a chômé le septième jour. C’est pourquoi Yahvé a béni le jour du sabbat et l’a consacré . » (Exode 20-8 à 11).
Oui, il est invraisemblable de se réclamer du Jour du Seigneur en régime de laïcité et pourtant, le plus souvent, on confond laïcité et sécularisation. Ce n’est pas parce que l’Etat libéral moderne est délibérément séculier que la société doit se soumettre entièrement à la règle uniforme de la sécularisation. Le processus de sécularisation qui, il est vrai, s’est emparé de nos sociétés, vise à la disparition complète de toute transcendance dans l’espace public. J’affirme, moi, que c’est un processus de déshumanisation. La négation de ce qui en l’homme se rapporte au mystère suprême. Une cité qui ne reconnaît pas la transcendance dans l’organisation de l’espace et du temps n’est pas une cité humaine. Je sais bien qu’il n’est pas correct aujourd’hui d’énoncer une telle vérité. Mais c’est notre honneur à nous chrétiens de nous battre, sans fausse pudeur, pour cette ouverture de la Cité à l’ordre de la grâce, à la reconnaissance d’une présence mystérieuse au milieu de nous. La plus précieuse des libertés, c’est la liberté pour l’homme de prier.
Le cardinal Danielou n’avait pas eu peur autrefois de signer un livre intitulé « L’oraison, problème politique ». La sanctification du dimanche est une cause juste, essentielle. Bernanos disait : « Lorsque l’homme aura tout perdu, nous réclamerons pour lui, bon gré mal gré, l’onction qui le divinise. » Cette onction c’est celle du jour du Seigneur qui vaut tous les justes combats pour les loisirs, la famille et les droits sociaux.
Gérard Leclerc
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