On peut certes disputer de l’ampleur de la victoire de la chancelière Angela Merkel. Il est vrai que le score de son parti est l’un des plus bas jamais enregistrés depuis la guerre par la Démocratie-Chrétienne allemande. Mais que dire alors de la défaite de la Social-Démocratie, qui apparaît d’autant plus marquante qu’elle s’accompagne de la montée de la gauche radicale du Linke ? C’est le leader de cette dernière, Oskar Lafontaine, qui semble incarner présentement la contestation de la politique économique de la Chancelière et recevoir le soutien de la partie la plus déstabilisée de la population. Car l’Allemagne, en dépit de ses succès industriels et commerciaux, connaît aussi ses poches de pauvreté jusque dans la capitale fédérale.
Il n’en reste pas moins que la victoire de la Chancelière est incontestable et que la nouvelle coalition qu’elle engage avec les libéraux déterminera une orientation économique plus à droite, avec notamment des baisses significatives d’impôts, censées être favorables à la croissance en remettant en cause certains aspects de la redistribution sociale. Angela Merkel sera plus libre pour agir, dégagée d’une alliance qui l’obligeait sans cesse à des compromis longuement négociés. L’importance acquise par le Parti libéral confère à celui-ci une influence qui se traduira dans l’immédiat par son poids au sein du nouveau gouvernement. Mais ce fait ne saurait masquer que la crédibilité de l’équipe gouvernementale est d’autant mieux assurée que l’opposition est dans l’incapacité de se renouveler, et surtout de choisir une orientation intellectuelle et programmatique, sensiblement différente de celle de la droite au pouvoir en Europe.
L’impuissance de son opposition donne la possibilité à Angela Merkel d’envisager les quatre ans à venir sans trop de difficultés, au moins politiques. Mais il lui faudra faire face à un pays beaucoup plus fragilisé qu’on ne le croit. En dépit de certains résultats commerciaux, le capitalisme rhénan qui constitua un modèle original pour l’Allemagne d’après-guerre, a cédé aux mutations de la mondialisation financière. Par ailleurs, le déficit démographique du pays va de plus en plus faire sentir ses effets, obligeant sans doute à recourir à une immigration qui ne sera pas sans problèmes. Enfin, se pose la question de l’avenir de l’Europe, dans la perspective d’une sortie de la crise mondiale qui est loin d’être évidente. La Chancelière poursuivra-t-elle avec Nicolas Sarkozy l’entente qui a semblé prévaloir au dernier G20 ? Il est assez paradoxal d’assumer une ligne plus libérale dans son propre pays, au moment où l’économie mondiale incline les dirigeants de la planète à revoir « les fondamentaux de l’économie libérale ».
P.S.
Pour comprendre ce qui se passe en Allemagne, je recommande avec insistance le blog de notre ami Edouard Husson :
http://www.edouardhusson.com/Que-s-est-il-passe-en-Allemagne_a194.html