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Le samedi 12 septembre, le collège des Bernardins accueille un colloque, organisé entre autre par le psychologue et psychanalyste Jacques Arènes, sur le thème « réinventer la culpabilité ».
http://www.collegedesbernardins.fr/index.php/rencontres-a-debats/colloques.html
Cela me rappelle un journaliste danois, que j’ai connu autrefois quand il était correspondant à Paris d’un quotidien de Copenhague. Il s’appelait Henrik Stangerup. Et il était aussi excellent romancier. Je fus vivement intéressé par son livre qui avait été traduit en français sous le titre « L’homme qui voulait être coupable ». Étrange non ?
La matière du roman l’était encore beaucoup plus. Il s’agissait en effet de l’histoire d’un homme qui avait eu l’insigne malheur d’assassiner sa propre femme. Peut-on concevoir pire tragédie personnelle que celle-là ? Mais ce n’était pas de cette tragédie du meurtre de l’épouse qu’Henrik Stangerup avait tiré la trame de son roman mais d’une autre tragédie proprement moderne, contemporaine. La tragédie d’un homme auquel on refuse sa responsabilité de criminel. Lui veut confesser son crime devant la justice mais la société le lui interdit : « Non Monsieur vous n’êtes pas coupable de ce meurtre. Vous avez été le jouet des circonstances, de vos propres pulsions dont vous ne pouviez assumer la maîtrise. À la vérité, vous n’avez pas commis de crime, vous avez été l’objet d’un processus mental qui a enchaîné votre volonté et vous êtes innocents. »
Le pauvre homme se défend. Il n’a aucune fierté à avoir accompli cet acte abominable. Mais à vouloir abolir sa responsabilité on le prive de sa liberté la plus profonde et donc de son humanité même. Une armée de psy s’acharne sur lui : « Admettez que vous n’êtes pas coupable. » Lui se défend mordicus car il sait, au fond de sa conscience, qu’être coupable, si insupportable que ce soit moralement, confère à la personne une terrible dignité. Être coupable cela signifie être cause de. Être cause d’un crime en l’espèce. S’il n’est plus la cause ou le sujet de l’acte qu’il a commis il n’est plus rien. On a détruit son âme alors même qu’on voulait prétendument le tirer d’affaire, au nom d’une théorie qui est la négation même de la nature humaine.
Cette parabole à mon sens n’a pas vieilli. Un quart de siècle après la parution de « L’homme qui voulait être coupable ». Car nous sommes toujours aux prises avec la menace de l’abolition de la liberté, sous le poids de tous les déterminismes sociaux, culturels, psychologiques qui pèsent comme une dalle de plomb sur l’affirmation souveraine de notre libre arbitre.
Je ne ferai pas ici le bilan de tous les systèmes intellectuels qui se sont coalisés contre la dignité humaine en se présentant souvent sous les couleurs de l’émancipation et de la libération. Mais tout de même, je constate ce que Bernanos appelait « une conspiration généralisée contre les âmes » qui s’est bel et bien renforcée sous l’effet de pensées prétendument critiques qui veulent anéantir ce qui fait le propre de notre humanité : la relation aux lois non-écrites d’Antigone, celle aux Décalogue et même celle aux Béatitudes.
Peut-être qu’un certain concept d’amour-propre paradoxalement né au XVIIe siècle a abouti sous les coups d’un utilitarisme souvent hédoniste à l’extinction du sujet moral.
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