On le sait, l’Enfer est pavé de bonnes intentions. Concourir à la lutte contre le réchauffement climatique est assurément une bonne intention. Faire payer le contribuable n’est pas en soi diabolique. Mais le déluge de critique qui déferle depuis que le gouvernement a décidé d’introduire une taxe carbone rend certainement la vie infernale au Président de la République qui vient d’annoncer qu’il trancherait cette semaine sur cette délicate question.
Il lui sera néanmoins difficile de faire machine arrière compte tenu des engagements pris lors du Grenelle de l’environnement. Et puis, la taxe carbone fait partie des cinq propositions du Pacte écologique de Nicolas Hulot auquel Nicolas Sarkozy avait adhéré lors de la campagne présidentielle. Celle que Ségolène Royal vient de qualifier de « gabelle écologique » ne doit pas néanmoins être appréciée à l’aune idéologique des uns et des autres mais bien au résultat qu’on est en droit d’en attendre au regard de l’objectif qui lui est fixé. La taxe carbone, ou plus précisément la contribution climat-énergie, a pour but de pénaliser les émissions de gaz à effet de serre dans l’espoir d’en réduire l’importance par un changement de comportement des consommateurs d’énergie. C’est du moins la conviction du groupe d’experts présidé par l’ancien Premier Ministre Michel Rocard, qui a remis ses conclusions au début du mois de juillet. Ce système est une nouvelle application du principe pollueur-payeur inscrit dans la Charte de l’environnement et constitue un exemple de ce que les économistes appellent une taxe pigouvienne, du nom de l’économiste britannique Arthur Pigou (1877-1959), qui a pour objet de corriger les externalités négatives du marché.
La taxation de l’énergie ne constitue pourtant pas en soi une nouveauté puisqu’il existe déjà la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel ou bien encore la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes (TICC), sans pour autant que ces taxes aient un effet dissuasif sur l’utilisation de ces énergies. Si, comme l’a suggéré l’actuel Premier Ministre François Fillon, la tonne de dioxyde de carbone émise dans l’atmosphère était taxée à 14 €, cela représenterait une augmentation du litre d’essence à la pompe de 3 centimes. Soit cette somme sera considérée comme indolore et ne produira aucun effet puisqu’elle ne générera aucun changement d’habitude, soit elle sera perçue comme insupportable mais n’apportera pas de solution immédiate. Il n’y a pas en effet sur le marché aujourd’hui de véhicules fonctionnant avec une énergie renouvelable vers lequel le consommateur exacerbé mais vaincu pourrait se tourner. Cela est si vrai que le gouvernement envisage déjà de dédommager ceux qui ne peuvent pas faire autrement, notamment en zone rurale, que de prendre leur voiture, ce qui revient à annuler complètement l’effet prétendument attendu de la contribution.
Dans ces conditions, la tentation est grande de voir dans cette mesure une simple nouvelle ponction fiscale qui pourrait rapporter 4 milliards d’euros dans les caisses de l’Etat qui, à n’en pas douter, en ont bien besoin, surtout quand on sait que, par ailleurs, l’Etat veut supprimer un autre impôt, la taxe professionnelle. D’où les voix qui s’élèvent, dont celle de Jean-François Coppé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, pour plaider en faveur d’une injection massive du produit de la taxe dans la recherche en faveur de nouveaux modes de déplacement afin d’être certain que la contribution énergie-climat réponde bien aux espoirs placés en elle. Ce ne sont donc pas, par conséquent, nos comportements qui sont appelés à évoluer, plutôt ceux de nos enfants, voire de nos petits-enfants. Mais chacun sait que la protection de l’environnement est destinée aux générations futures.