Mardi 1er septembre 2009
Ecoutez l’éditorial :
La crise économique mondiale que nous vivons – et pour certains d’entre nous très douloureusement – n’est pas la première dans l’histoire de l’ère moderne. Tout le monde a évoqué la crise de 1929 qui sert de modèle de référence à nos économistes. Mais ceux-ci sont aussi familiers de la théorie des cycles qui veut que régulièrement la machine dérape, éprouvant un système qui n’attendait que cela pour rebondir en se réformant et en relançant un autre cycle de croissance. Pourtant d’autres, notamment les penseurs révolutionnaires, attendent tout autre chose, rien moins que la crise finale qui sonnera le tocsin pour le monde ancien, puis annoncera un monde débarrassé des horreurs du capitalisme. On sait que Karl Marx était du nombre de ces révolutionnaires et qu’il avait les yeux fixés sur l’éventualité de la fameuse crise finale.
Les éditions Bartillat viennent de rééditer, dans leur collection Omnia, la biographie dudit Karl Marx écrit par un contemporain de Rosa Luxembourg, le dirigeant social-démocrate Franz Mehring. Son livre se lit agréablement, même s’il suscite parfois des agacements par ses partis-pris pontifiants. On peut y observer précisément l’auteur de das Kapital aux prises avec la crise économique de 1857. Elle avait commencé aux Etats-Unis et frappé sévèrement la famille Marx qui vivait déjà dans un dénuement extrême. Qu’importe ! Le révolutionnaire est tout revigoré : « Depuis l’effondrement de la spéculation à New York, je me sens d’excellente humeur », écrit-il à son ami Engels. Et il ajoute : « La crise va me faire autant de bien que le séjour dans une station balnéaire, je m’en aperçois déjà. En 1848, nous disions déjà : maintenant notre heure arrive et en un certain sens elle est déjà arrivée, mais, cette fois-ci elle est vraiment là. Maintenant, nous jouons le tout pour le tout. »
Et Mme Marx, l’aristocratique Jenny von Westphalen, est au diapason. Elle est certes affectée pour son porte-monnaie – Karl gagne moitié moins ! – mais il a retrouvé toute l’aisance d’esprit qu’il avait perdue depuis des années.
Pourtant, ce ne fut pas la crise finale et la révolution prolétarienne ne s’accomplit pas. C’est que, nous explique notre historien social-démocrate, la bourgeoisie sait très bien défendre ses intérêts, en faisant les alliances nécessaires pour écraser les aspirations populaires.
Mais laissons là l’Histoire sans vouloir trop la démêler. Et demandons-nous : notre crise actuelle, que remet-elle en cause ? S’inscrit-elle dans la théorie des cycles ? Ou est-elle plus fondamentale, réclamant comme le dit Martine Aubry – après Nicolas Sarkozy qui avait eu recours pour cela à Edgar Morin – une vraie politique de civilisation qui transforme les paramètres, redéfinit entièrement le contenu du développement économique et les relations à l’échelle mondiale ?
Je m’adressais ce lundi matin sur Radio Notre-Dame à Jean Montaldo, le fameux polémiste et déterreur de scandales, qui ne s’intéresse certes pas à la lutte finale et se proclame « capitaliste », le seul système qui existe, tous les autres ayant fait la preuve de leur désastreuse impuissance. Mais, dans «Lettre ouverte aux bandits de la Finance » (Albin-Michel) il se bagarre pour un capitalisme plus honnête et faisant donc l’économie d’un certain nombre de victimes qui sont celle des escrocs patentés (Bernard Madoff) ou des électrons fous d’un système de démesure que des banques comme la Société Générale ont sciemment mis en place, notamment pour justifier les rémunérations exorbitantes de leurs dirigeants. Jean Montaldo tombe d’accord avec moi et fait une suggestion à laquelle je souscris pleinement : au prochaine sommet du G20 à Pittsburgh, on devrait inviter un 21e chef d’Etat ou de gouvernement, qui aurait quelque chose à dire sur la corruption générale du système, que les autres ne diront pas : « Sa Sainteté le Pape ».
Ecoutez l’éditorial :
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