Ce pourrait bien être la bombe de cet été. Voici que la Commission européenne exige de l’Etat français qu’il fasse rembourser aux producteurs de fruits et légumes près de 500 millions d’euros de subvention versés indûment durant la période 1992 -2002. Plus précisément, il s’agit de quelque 330 millions versés qui, selon les instances européennes, auraient faussé la concurrence, et auxquels il faudrait ajouter environ 150 millions d’intérêts. Des astreintes pourraient être exigées de la France, en cas de retard dans les remboursements.
Bien entendu, les ministres français concernés, à commencer par Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, ont tenté de calmer le jeu en assurant qu’aucun remboursement ne serait exigé des agriculteurs en situation « fragile voire désespérée ». Mais ces paroles rassurantes n’ont pas calmé l’inquiétude des syndicats qui craignent à bon droit pour l’avenir de leur filière.
La décision de la Commission européenne risque de se heurter à des obstacles difficilement surmontables, à commencer par la difficulté de procéder au recouvrement des sommes. Parmi les bénéficiaires des subventions, beaucoup d’exploitants ont mis la clef sous la porte, d’autres sont décédés, d’autres enfin sont insolvables. Le processus d’identification et de recouvrement devra en outre faire face à une mauvaise volonté bien excusable – et même légitime – des agriculteurs concernés. Les menaces d’été et d’automne chauds doivent être prises très au sérieux.
Surtout, l’appel de la Commission européenne à une concurrence non faussée, prend aujourd’hui une saveur étrange. Après tout, depuis la crise économique, les Etats ont dû prendre des mesures qui faussent
systématiquement la concurrence et il faut s’en féliciter. Serait-il donc plus grave de soutenir les producteurs de fruits et de légumes que les banques ?
Enfin, l’exigence d’une concurrence loyale se heurte à une autre exigence que l’on ne peut plus ignorer : celle d’un environnement sain. Rappelons tout de même que le transport sur de longues distances de fruits et de légumes, certes produits à moindre prix, devient de plus en plus coûteux en termes de gaspillage d’énergie et de production de carbone. Encourager une production plus proche du consommateur, préserver les exploitations économes en énergie est aujourd’hui une nécessité. Il ne semble pas que la Commission européenne ait pris cette réalité en compte.
Non, décidément, la libre concurrence ne justifie pas tout.