Le procès qui a lieu cette semaine à Paris autour de « l’église de Scientologie » et de ses méthodes pose une question essentielle à notre société. Certes l’organisation qui est l’objet de poursuites devant le tribunal correctionnel a derrière elle tout un passé très particulier qui s’identifie à la personnalité de Ron Hubbard, inventeur de la dianétique. Cependant, il semble qu’il y ait un espace de plus en plus large dévolu à des courants nombreux qui tirent parti de l’incertitude affective de beaucoup de nos contemporains égarés dans la solitude et la perte des repères moraux et spirituels. Les pouvoirs publics se sont inquiétés de l’expansion continuelle des sectes et de leurs réseaux. Il existe une « mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires » (Miviludes) présidée par Georges Fenech, qui vient de remettre un rapport plutôt inquiétant sur le sujet.
On ne s’étonne pas que l’Église catholique se soit intéressée aux questions délicates posées par le véritable marché des âmes et des cœurs. Rome a publié un texte de référence et l’Église de France a créé un conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux que préside l’évêque de Créteil, Mgr Michel Santier. C’est un souci pastoral qui guide la réflexion d’un tel organisme, car il ne s’agit pas seulement de mettre en garde contre les dérives sectaires et les méthodes désastreuses qui aboutissent à aggraver les maux qu’on prétend guérir en manipulant des personnes en situation de grande fragilité. On ne peut faire fi de ce qui relève de la quête de guérison psychologique et de salut. Le somatique et le spirituel sont profondément liés l’un à l’autre. Ceux qui ont la charge d’un sanctuaire comme celui de Lourdes le savent mieux que quiconque. D’ailleurs, il n’est pas rare que des dérives sectaires se recommandent d’un fond chrétien dévoyé et il peut arriver qu’au sein même de l’Église, une demande mal canalisée provoque quelque catastrophe.
Il y a donc nécessité d’un discernement qui associe médecins, psychologues et théologiens. Le regretté Mgr Jean Vernette avait ouvert la voie à cette recherche, en permettant à certaines communautés particulièrement sollicitées sur le terrain de la guérison psychologique d’être informées et protégées de certains processus déviants. Les communautés ecclésiales peuvent offrir le service de la communion et de la solidarité, en sachant que c’est d’abord l’homme intérieur qui doit être fortifié. À cet homme intérieur l’Église ne propose pas d’abord une thérapie mais un chemin sacramentel qui permet de retrouver le goût d’une vie qui reprend son sens dans la rencontre avec un Dieu qui sauve, en « restaurant la nature humaine d’une manière plus admirable ». Cela ne se fait pas au prix de la perte de soi mais en vertu du salut qui libère.
Pour aller plus loin :
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