Un prêtre de la République Démocratique du Congo (RDC) déclare que l’exploitation illégale des ressources minières de grande valeur du pays alimente l’instabilité dans le pays, et augmente la crainte de nouvelles attaques des rebelles.
Le père Justin Nkunzi, directeur de la Commission justice et paix de l’archidiocèse de Bukavu, région fortement touchée par les attaques des rebelles, appelle le gouvernement congolais à s’assurer que le commerce des ressources minières, incluant l’or, ne bénéficie pas aux groupes de milices responsables de la violence en RDC. Il a également appelé les dirigeants de cette industrie à améliorer la transparence de la chaîne d’approvisionnement, ce qui permettrait aux acheteurs de retracer la provenance de l’or qu’ils se procurent.
Lors d’une entrevue qu’il a accordée à l’organisme international de charité catholique Aide à l’Église en Détresse (AED), le père Nkunzi a déclaré : « Si vous achetez des diamants et de l’or des régions dirigées par les rebelles, cela les aide. Ils peuvent ainsi s’acheter des armes et des fusils pour continuer la guerre ». C’est pourquoi le père Nkunzi lance cet appel : « Si le gouvernement britannique pouvait assister nos autorités pour éliminer l’exploitation illégale de nos ressources naturelles, ce serait une manière d’aider le peuple congolais à bâtir la paix », a encore indiqué le directeur, lors de cette entrevue accordée alors qu’il était de passage au Royaume-Uni. Rappelons que des représentants de la Commission justice et paix de la Conférence épiscopale congolaise sont venus au Canada, en décembre 2008, afin de demander le même genre de soutien de la part du gouvernement canadien.
La RDC est prise avec de graves problèmes, incluant la violence sexuelle, l’enrôlement d’enfants soldats et le nombre important de réfugiés internes fuyant le conflit. Selon de plus en plus d’observateurs, tous ces problèmes sont causés par l’action des rebelles, qui est financée par le commerce des ressources minières.
« Dans notre pays, plusieurs personnes souffrent », indique encore le père Nkunzi, rappelant que le pays a été gouverné, de 1965 à 1997, par l’un des pires dictateurs que l’Afrique ait connus, le président Mobutu Sese Seko. Ce dernier « nous a mené dans plusieurs années de guerre et nous a causé plusieurs problèmes, comme le viol de nos femmes, la violence sociale, les enfants soldats et les réfugiés », énumère le père Nkunzi. « L’Église doit être partout où quelqu’un demande son aide. » Pour le père, « chacun doit faire de son mieux pour apporter la paix, tout d’abord dans son cœur, deuxièmement dans sa famille, ensuite dans toute sa communauté. »
Lors de l’entretien, le père Nkunzi a condamné l’utilisation d’enfants soldats, des jeunes âgés d’à peine une dizaine d’années, qui ont été forcé ou contraint, parfois à la pointe du fusil, à joindre les groupes de milices. « Les groupes rebelles ont tant d’enfants soldats. Nous devons donner un soutien à ces enfants, les aider à quitter les camps des milices [qui se trouvent] dans la forêt et les ramener au village », insiste le prêtre, malgré la difficile réintégration des enfants soldats dans la communauté. « Si quelqu’un a utilisé un fusil et que c’est tout ce qu’il connaît, ce n’est pas facile de l’éloigner de cela. La formation doit aller dans ce village. En fait, partout il y a un besoin de formation pour ces jeunes. »
Les groupes de milices sont également responsables de l’augmentation de la violence sexuelle, l’utilisation du viol des femmes utilisé comme un moyen de démoraliser la population locale. père Nkunzi : « Pour nous, c’est une nouvelle forme de terrorisme. C’est une stratégie pour détruire la famille. Ça détruit tout le monde. C’est une sorte de ‘meurtre’ », souligne le père Nkunzi. « La violence sexuelle cause un immense traumatisme : un traumatisme individuel et un traumatisme communautaire », indique-t-il. En 2007, le sous-secrétaire pour les affaires humanitaires des Nations Unies, John Holmes, déclarait : « La violence sexuelle au Congo est la pire dans le monde. Le nombre affolant, la brutalité systématique, la culture de l’impunité, c’est épouvantable. »
Apporter la paix et la réconciliation
Malgré ces graves problèmes, le père Nkunzi déclare : « L’Église doit travailler pour rassembler notre peuple et dire qu’une autre façon de vivre est possible, et s’engager contre l’impunité. Le travail de la Commission justice et paix est d’aider spécifiquement les communautés à se rassembler après avoir été déchirées, et de les soutenir pour qu’elles apportent du changement à elles-mêmes, à leurs familles, à leurs communautés », indique encore le prêtre. « C’est un ministère, comme Jésus l’a dit, que d’apporter la paix et la réconciliation partout. »
Le père Nkunzi souligne à quel point l’engagement social de l’Église pour les communautés qui ont été brisées par la violence doit être enraciné dans la prière. « Notre travail ne serait pas possible sans la prière et la paix qui nous viennent de Jésus et de Dieu. Cela est possible parce que Jésus est en train de commencer un nouveau chemin, que nous sommes en train de suivre dans notre pays. Plusieurs personnes ont besoin de le rencontrer dans notre pays. » « Nous sommes tous frères en Afrique », indique-t-il. « Nous devons entendre Jésus; nous devons essayer de bâtir notre région parce que Dieu nous a donné un bon pays. »
Le père Nkunzi a terminé l’entretien en remerciant l’AED pour son soutien en RDC, indiquant que l’organisme est venu en aide à plusieurs prêtres, religieuses et communautés, qui sont capables en retour d’aider d’autres personnes. « Puisse Dieu bénir tous ceux qui vous aident à nous aider; ensemble, nous pouvons faire face aux nombreux problèmes de notre pays », conclut le père Nkunzi.
En 2008, l’AED a soutenu des projets pastoraux et de l’aide d’urgence dans les régions qui ont été affectées par les conflits qui ont resurgi en août 2008, pour un montant de plus de 3 millions de dollars canadiens.
Source : Mario Bard