Pâques étant, dans nos contrées, associé à l’avènement du printemps, et donc à une nature renaissante, nous identifions souvent culturellement la plus grande fête chrétienne au triomphe sans mélange de la vie sur l’hiver. Et nous avons largement raison, sauf si nous oublions que ce triomphe est celui du Christ contre les forces du mal et de la mort. Il nous est à tous arrivé à un moment ou l’autre de notre existence, de faire l’expérience cruelle du deuil de proches à l’heure où nous aurions voulu goûter sans amertumes la joie de la Résurrection. Mais la morsure de la séparation est intervenue juste comme pour donner à notre Semaine sainte sa dimension à la fois tragique et infiniment bienheureuse. C’est la perspective de l’abîme et de la rupture de nos liens les plus chers qui est venue conférer à notre démarche la plénitude du passage. Le passage vécu par le Christ jusqu’au fond de l’angoisse et de la déréliction, la descente aux enfers sans lesquels il n’y aurait ni Rédemption, ni Victoire du Ressuscité. C’est un peu de cette façon que la philosophe Simone Weil considérait la purification qu’apporte la souffrance à notre élan spirituel : « Le mal contraint la vertu d’espérance à être surnaturelle ».
C’est un bien mauvais procès qui est fait à notre christianisme de vouloir ignorer le scandale en recourant au baume de la consolation. Certes le Dieu de notre foi essuiera toutes nos larmes sur nos visages, mais il est aussi celui qui, par l’Incarnation, a voulu éprouver notre condition dans ses pires aspects. Tout priant qui médite quotidiennement les psaumes le sait plus qu’un autre, le malheur nous entoure, nous presse. La liturgie grégorienne le traduit incomparablement : Circumdederunt me gemitus… Les gémissements m’enserrent, sans pouvoir en desserrer l’étreinte. C’est ce que nos amis italiens des Abruzzes ont vécu avec une rare intensité dans cette tragédie où beaucoup ont presque tout perdu, et d’abord des êtres chers, et même des tout-petits arrachés à l’avenir et à la tendresse de leurs parents. Le Pape a accordé la permission exceptionnelle de célébrer la cérémonie eucharistique pour les obsèques le jour du Vendredi saint. On en conçoit la raison essentielle. En pareille circonstance, il était légitime que tout un peuple associe son immense douleur à la Passion du Seigneur. Comment ne pas nous associer solidairement à l’intercession commune, afin que de l’abîme surgisse la lumière éblouissante qui fait éclater les tombeaux.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Jean-Paul Hyvernat
- CE QUE DIT LE FER À REPASSER
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies