Durant les 75 minutes qu’a duré leur audition, le 7 avril, devant les parlementaires de la Mission d’information pour la révision des lois bioéthiques, Xavier Mirabel et Caroline Roux, respectivement président et secrétaire générale de l’Alliance pour les Droits de la Vie, n’ont pas eu besoin de faire appel à la religion pour défendre l’humanité de l’embryon.
C’est au nom du droit et de la justice universels, avec des arguments scientifiques et humanitaires, qu’ils ont plaidé en faveur du respect de l’intégrité de l’être humain dès sa conception, mais aussi d’une politique d’accueil des personnes handicapées.
L’audition avait commencé par la remontée des témoignages reçus par les services d’aide de l’Alliance, destinés aux personnes souffrant d’infertilité ou aux femmes enceintes en difficulté, donnant à l’exposé un tour émouvant, voire incontestable.
S’appuyant sur son expérience de l’écoute des couples en souffrance, Caroline Roux a dénoncé « la traque du handicap » qui se termine de plus en plus par le recours dramatique à l’avortement, souvent à contrecœur, quand une anomalie est détectée. Lui-même père d’une fille ayant une trisomie 21, Xavier Mirabel a témoigné des angoisses de parents découvrant le handicap de leur nouveau-né. Immédiatement projetés dans l’avenir, ils se demandent ce que leur enfant deviendra lorsqu’ils auront vieilli. Et les deux orateurs de montrer combien, dans les situations d’annonce prénatale d’un handicap, la somme des décisions de recours à l’avortement qu’on veut croire « libres » ou « individuelles » aboutit en réalité à « une injonction sociale » de ne pas donner naissance à celui qu’on suspecte d’être « non-conforme ». À force de dépister sans laisser naître, on assiste à un basculement du thérapeutique vers le prédictif, au risque de ne même plus envisager d’accueillir ou de soigner. Se dessine finalement dans notre société une culture désespérante pour les parents qui exclut de la vie les fœtus porteurs d’anomalie.
Pour l’embryon, dont il n’a pas été affirmé qu’il fût une personne, Xavier Mirabel a invoqué « le bénéfice du doute », soulignant qu’aucun scientifique n’a jamais su déterminer un moment probant de son développement qui le ferait changer de nature pour en acquérir une véritablement humaine. Le cancérologue jugeait carrément « incompréhensible » la théorie du projet parental soutenue par le député PC Michel Vaxès. En quoi l’humanité d’un embryon serait-elle fonction de son accueil par ceux qui l’ont engendré ? Un désir humain (qui peut d’ailleurs évoluer dans le temps en fonction des circonstances) pourrait-il conférer à autrui l’humanité ou l’en priver ?
C’est alors que le rapporteur de la mission, le député UMP Jean Leonetti a invité l’Évangile dans le débat. L’atmosphère était détendue. On discutait pour savoir si l’embryon, avant son implantation dans l’utérus maternel, méritait protection. Évoquant la parabole du Semeur, Jean Leonetti fit remarquer que « la graine peut tomber sur la pierre [plutôt que sur la terre] et rester stérile » et d’en conclure qu’il y a « une part de hasard dans la fertilité ». À ce stade, le cancérologue pouvait opiner. Mais Jean Leonetti fit alors comprendre qu’il comparait le destin des graines semées à celui de l’embryon préimplantatoire. À l’image du généticien Axel Kahn qui s’appuie sur les nombreuses fausses-couches très précoces, dans les situations de procréation naturelle, pour légitimer qu’on ne respecte pas l’embryon conçu in vitro à ce même stade, et qu’on puisse l’utiliser pour la recherche…
Pour Xavier Mirabel le fait que l’embryon soit implanté ou pas ne change en rien sa nature humaine. Affirmer que l’embryon qu’on a conçu délibérément hors du sein maternel ne mérite pas de protection justement parce qu’il n’y est pas implanté relève du syllogisme. Quant à l’interprétation de la parabole du Semeur aux dépens de l’embryon, elle ne tient pas compte de l’explication qu’en a donnée son auteur à ses proches disciples, alors que les foules ne l’avaient pas comprise. Le Semeur, c’est Dieu. La graine, c’est sa parole. Et c’est quand elle tombe sur des esprits bétonnés qu’elle ne peut malheureusement pas germer. Un détournement anthropomorphique de cette allégorie botanique de la Bonne Nouvelle relève au minimum du contresens. À moins qu’il ne révèle la tentation prométhéenne de certains procréateurs prompts à prendre la posture du Créateur.
Par son appel à l’Évangile, le rapporteur de la mission parlementaire a, peut-être, voulu démasquer, derrière les responsables de l’Alliance pour les Droits de la Vie, des convictions chrétiennes quitte à tenter de les contredire maladroitement sur ce terrain ? Un peu plus tôt dans l’audition, le député PS Alain Claeys, président de la mission parlementaire, avait quant à lui préféré reconnaître que les positions exprimées avaient l’avantage d’être « logiques ».