Soudan : la condamnation d'Omar Al-Bechir - France Catholique
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Soudan : la condamnation d’Omar Al-Bechir

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Le lancement d’un mandat d’arrêt international contre le président en exercice du Soudan est une bombe à retardement.

Les juges de la Cour Pénale Internationale (CPI) ont fait droit le 3 mars à la demande du procureur argentin Luis Moreno-Ocampo de délivrer un mandat d’arrêt international contre le président Omar Al-Bechir, chef de l’Etat soudanais. La demande datait de juillet 2008. La CPI était saisie par le Conseil de Sécurité de l’ONU depuis mars 2005, il y a quatre ans. Deux premiers mandats d’arrêt avaient été délivrés en mai 2007 contre un ancien ministre et un chef de milice, à ce jour sans effet.

Le président est accusé de crimes de guerre au Darfour en 2003-4. Le chef d’accusation de «génocide» n’a pas été retenu.

Un seul précédent à ce jour: l’arrestation du président serbe Milosevic, au profit du Tribunal spécial de l’ex-Yougoslavie. Or, à la différence des tribunaux ad hoc, la CPI est un organe judiciaire à caractère permanent et mondial. Le précédent n’en a que plus de poids. Mais le pari est d’autant plus audacieux. En effet, le traité de Rome instituant la CPI, qui n’est entré en vigueur qu’en 2003, ne bénéficie pas du soutien des Etats-Unis, ni de la Chine, de la Russie, de l’Inde, des pays arabes, ou d’Israël. Le Soudan n’en est pas partie. L’Union Africaine est divisée. Certains pays comme le Congo, l’Ouganda, la Centrafrique ont fait appel à la CPI contre des rebelles. D’autres chefs d’Etat en revanche peuvent se sentir les prochains visés. Il pourrait y avoir une vague de retraits des ratifications, par solidarité, ce qui fragiliserait la Cour.

Mais aussi la CPI ne dispose pas de bras armé. Le président soudanais n’avait pas été dupe lorsque l’ONU avait réclamé le droit d’envoyer une force de maintien de la paix au Soudan. Il avait obstinément refusé tout en concédant le principe d’une force hybride, onusienne et africaine, l’UNAMID créée en juillet 2007 mais qui peine à se mettre en place. A la suite du mandat d’arrêt, ces contingents devraient être pris en otage par le Soudan ou expulsés, au même titre que les ONG internationales.

Toutefois la position soudanaise n’est pas aussi assurée qu’il le semble. Certes le mandat d’arrêt peut reformer l’unité du milieu dirigeant qui se sait complice. Le président n’a pas agi seul. Il est seulement au début d’une chaîne de commandement. Le fait de l’avoir individualisé peut aussi être interprété comme un signal à l’encontre de membres de l’entourage. Implicitement, ceux-ci sont encouragés à imiter le premier ministre serbe qui avait résolu de livrer Milosevic. Une révolution de palais n’est pas à exclure. Viendra-t-elle des milieux radicaux ou à l’inverse des modérés ? Tout est possible. Les milices dont s’est servi le gouvernement au Darfour ne semblent plus aussi loyales. Les mouvements rebelles peuvent être encouragés à agir en profondeur, comme lors du raid sur Omdurman, dans la banlieue de Khartoum, en mai 2008.

L’affaiblissement du pouvoir central redonnera du poids aux forces centrifuges, au Darfour mais aussi au Sud Soudan qui n’attendrait pas son référendum sur l’indépendance prévu en 2011. Les Etats voisins, Ethiopie, Tchad, Centrafrique, Cameroun, Ouganda, ne laissent pas d’être inquiets. C’est toute l’Afrique du Centre qui risque d’être atteint par les ondes de choc. Qu’a-t-on prévu pour accompagner cette pression judiciaire ? Les pays occidentaux, jugés a priori responsables du jugement de La Haye, ont eu le temps de s’y préparer. La déstabilisation de la région, soit par une épreuve de force, soit par une suite de coups, sera l’un des premiers tests africains de l’administration Obama qui, pour le moment, a préféré regarder ailleurs, de la Chine au Proche-Orient, en passant par l’Afghanistan et le Pakistan.

L’Union Africaine vient de se doter il y a un mois d’une nouveau président en la personne du Guide libyen, Mouammar Kadhafi, dont on sait l’intérêt jamais relâché pour le Soudan. On attend ses réactions. Quant à la Chine, premier investisseur pétrolier au Soudan, qui avait vu monter une campagne de boycott de ses jeux olympiques sur la question du Soudan, elle devrait savoir comment contourner le problème. Pour la première fois, elle sera peut-être contrainte de s’occuper de politique africaine. Les affaires ne suffisent pas.

Des élections étaient prévues en 2009. Le président Bechir est au pouvoir depuis juin 1989. On ne donne pas cher de cette promesse d’élections dans un pays pourtant à fortes traditions de multipartisme. La solution risque d’échapper aux urnes.

Yves LA MARCK