Irak : les chrétiens vont-ils rentrer ? - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Irak : les chrétiens vont-ils rentrer ?

La déroute des partis religieux extrémistes lors des élections provinciales incitera-t-elle les chrétiens à rentrer d'exil ?
Copier le lien

Pour la communauté chrétienne d’Irak, le scrutin du 31 janvier dernier – qui visait à renouveler 440 conseillers régionaux dans 14 des 18 pro­vinces – pourrait être vu comme une chance de retournement possible de la situation. Le nombre des chrétiens qui était de 1,4 million il y a 20 ans, serait de seulement 300 000 aujourd’hui.

Selon Mgr Andreas Abouna, évêque auxiliaire de Bagdad pour les Chaldéens, les résultats des élections, qui ont montré des gains énormes en faveur du parti du premier ministre Nouri Al-Maliki, ravissent les chrétiens qui avaient été forcés de fuir le sectarisme et la violence de la pé­riode post-Saddam. En entretien téléphonique depuis Bagdad avec l’Aide à l’Église en Détresse au Canada, le lundi 9 février – à la veille de la visite surprise du président Sarkozy et de Bernard Kouchner à Bagdad – Mgr Abouna a indiqué : « C’est un très bon résultat, spécialement à ce stade-ci du développement du pays. Ça va aider l’Irak à se remettre sur ses rails. » Soulignant le déroulement largement pacifique des élections, avec plus de 14 000 candidats et 60 % de participation électorale, voire 70 % dans certaines régions sunnites qui avaient boycotté les précédentes élections, l’évêque estime que « cela aidera les chrétiens à penser différemment et pourrait les encourager à commencer leur retour. »

Mgr Abouna, a fait valoir que « les gouvernements laïcs sont probablement plus aptes que les partis religieux à faire davantage pour soutenir les droits des minorités », une vision largement partagée par les chrétiens.
Le parti islamique du premier ministre Al-Maliki (le parti Daoua), est arrivé en tête dans la capitale, Bagdad (38%) ainsi qu’à Bassora (37%) dans le sud est et huit des neuf provinces à majorité chiite. Les résultats sont donc un choc majeur pour le plus grand parti religieux chiite, le Conseil Suprême Islamique irakien (CSII), qui, malgré sa milice de 10.000 hommes, devrait perdre les 6 régions qu’il contrôlait jusqu’alors et même son bastion, la ville sainte de Nad­jaf. Ce parti, dirigé par Abdel Aziz Al-Hakim, héritier d’une des deux grandes dynasties chiites du pays (avec les Al-Sadr), est généralement considéré comme un proche allié de Téhéran (il a été fondé en Iran en 1982). Il a pour projet une autonomie des pro­vinces pétrolières du sud du pays autour de Bassora, à l’image du Kurdistan au Nord. Les électeurs chiites irakiens ont donc manifesté leur volonté d’unité du pays.

On ne sait pas encore si ces résultats seront fortement contestés par les battus ou bien s’il y aura des tentatives d’accords de gouvernement provincial du CSII avec la coalition victorieuse (qui a aussi un fort penchant religieux et entretient également de bonnes relations avec Téhéran).
Mgr Abouna a souligné les échecs concernant la sécurité en Irak durant les années où le gouvernement et la politique étaient dominés par les sun­nites et les chiites extré­mistes, incluant Moktada Al-Sadr (dont la formation n’obtient que 11,6% à Bagdad). « Tout le monde s’accorde à dire que, durant les cinq dernières années, quand les partis religieux étaient forts, rien de bon ne s’est passé. » Mgr Abouna espère que « Les Irakiens se sont rendu compte que la meilleure façon d’aider le pays est de garder le religieux et le politique séparés. »

On se souvient qu’en 2005, Mgr Abouna et Mgr Louis Sako, archevêque de Kirkuk, avaient demandé au cardinal Cormac Murphy-O’Connor de Westminster de faire pression sur le gouvernement britannique, afin qu’il pèse lui-même de tout son poids pour que le projet de constitution irakienne mettant en place la charia, « par la porte de derrière », soit amendé. Leur appel au changement des termes de la constitution avait alors échoué.

Les résultats officiels des élections provinciales ne seront en principe pas dévoilés avant la fin du mois de février, en raison de la complexité d’attribution des sièges.