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Au moment de rédiger cet article, deux paroles des Écritures me reviennent en mémoire : « Heureux vos yeux parce qu’ils voient et vos oreilles parce qu’elles entendent ! Oui, je vous le dis, bien des prophètes et des justes auraient voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. » (Matt. 13, 16-17). Et encore : « nous rendons grâce à Dieu constamment parce que, après avoir entendu et reçu de nous la parole de Dieu, vous l’avez prise, non pour une parole humaine, mais pour ce qu’elle est vraiment : une parole de Dieu. Et elle est active parmi vous qui croyez. », extrait de la première lettre de Paul aux Thessaloniciens (1Th. 2,13).
par le Père Louis HURAULT
Il serait vain en effet de parler de l’histoire de la Bible des peuples en oubliant ce bonheur insondable que nous trouvons dans la Parole de Dieu et la soif que nous avons de la partager.
La Bible des peuples est née en 1972 au Chili. Mon frère Bernard, aujourd’hui parvenu en la Jérusalem céleste, a conçu un projet fou, sous la poussée de l’Esprit, comme il le disait toujours : mettre la Parole de Dieu dans les mains de tous, en particulier des « plus petits ».
Parti comme prêtre fidei donum, nommé en 1967 curé dans un bidonville de 40 000 habitants, il fait le même constat qu’il a pu faire en France durant ses vingt premières années de ministère paroissial : le peuple catholique ne lit pour ainsi dire pas la Parole de Dieu, se limitant à l’écoute des lectures courtes et souvent tronquées de la liturgie dominicale.
Bernard remarque par ailleurs que beaucoup de fidèles ont quitté l’Église catholique pour les sectes évangéliques nombreuses et diverses qui ne cessent de se développer dans ce bidonville : au moins là, disent-ils, on nous parle de la Bible !
Bernard se met au travail, menant de pair travail pastoral, traduction des textes bibliques et commentaires. En 1972, la première édition est prête, imprimée à Madrid à compte d’auteur, elle est tirée à 30 000 exemplaires. Devant son succès, la Société Biblique Catholique Internationale (fondation de Jean XXIII) se propose pour en assumer la tâche éditoriale. En 1990, elle est déjà diffusée en Amérique Latine à plus de 20 millions d’exemplaires et traduite en anglais et en tagalog (langue principale des Philippines). On comprend sans peine, devant de tels chiffres, que sa version française mise en chantier en 1990 et sortie en 1994 ait suscité une certaine inquiétude au sein de ce qu’il est malheureusement convenu d’appeler « la concurrence ». Je ne m’attarderai pas sur cette période peu glorieuse pour certains qui ont fait flèche de tout bois pour tenter de faire disparaître cet instrument d’évangélisation. Sachez cependant que c’est à la demande expresse de celui qui n’était alors que le Cardinal Ratzinger, et avec l’encouragement de l’actuel Cardinal Vanhoye, que cette bible a paru de nouveau en 1997.
Depuis ce temps, la Bible des peuples qui a gardé dans tous les autres pays son nom d’origine, Bible des communautés chrétiennes, a fait « des petits ». Elle est à ce jour diffusée à plus de 60 millions d’exemplaires en 14 langues différentes dont la plupart sont asiatiques (chinoise, philippines, vietnamienne, indonésiennes et coréenne.)
Dès la parution de cette Bible pastorale en France nous avons reçu des centaines de lettres mettant bien l’accent sur son originalité exprimée avec une délicieuse fraîcheur dans ces quelques lignes venues tout droit… d’un ermite bénédictin : « Entré dans une librairie religieuse, je suis tombé, au rayon correspondant, sur votre bible. Et là, ce fut une divine surprise : les introductions, les commentaires, la mise en page, les parties en gros ou petits caractères : je suis encore sous le choc. Grâce à vous je redécouvre la Sainte Bible, que je me flattais de connaître sur le bout des doigts, grâce à vous ma foi qui était en « béton armé » se transforme en « platine iridié », et ce n’est pas encore fini !!! Bravo, merci, amen alléluia. »
Pourtant les bibles ne manquent pas ni en France, ni dans le monde ; or ceux qui font de la Bible des peuples leur livre de chevet, lui donnent dans leur vie une place privilégiée. Sans doute cela s’explique-t-il par nos motivations personnelles. Bernard et moi-même avons été bercés dès notre enfance par la Parole de Dieu, dont nous avons pu goûter très tôt la saveur incomparable. Entrés au Grand Séminaire, à deux ans d’écart, nous avons eu la grâce d’avoir en études bibliques un professeur qui n’a fait que creuser davantage en nous cette soif de la Parole. Dès lors notre première action pastorale en paroisse a-t-elle été de proposer aux milieux les plus divers (jeunes, adultes, militants d’Action Catholique Ouvrière ou des milieux Indépendants, paroissiens de tous âges) de lire ensemble, en équipe, la Bible, de l’approfondir et d’en faire la nourriture de notre foi.
Dans cette perspective essentiellement pastorale, nous avons tenu à présenter une Bible « chrétienne ». Malgré les critiques que certains ont cru bon de formuler, nous avons donné sans détours dans nos commentaires, selon la Tradition de la Foi de l’Église, l’interprétation chrétienne des Écritures. Pouvions-nous taire l’originalité de notre Foi ? Pouvions nous taire que le Verbe de Dieu fait chair est le centre de la Révélation divine et qu’il la porte toute en lui : tout a été créé par lui et pour lui, il est avant tous et toute chose subsiste en lui (Col.1,16-17).
Comme le rappelait le Concile de Vatican II, le Christ est la clé dernière de toutes les Écritures. L’Incarnation est le fait premier de l’Histoire, et tout le reste, avant et après Jésus, a été disposé en fonction de sa venue (Ep.1,3-5). C’est ainsi que L’Église et les chrétiens lisent la Bible à la lumière de l’événement du Christ mort et ressuscité : avec l’Église et en Église nous avons voulu partager cette lecture dans les commentaires de notre bible.
On parle beaucoup actuellement d’évangélisation, et l’on ne fait là que répondre à la mission première de l’Église ; encore faudrait-il savoir ce qu’évangéliser veut dire ! Tout discours généreux, teinté de « valeurs dites chrétiennes » n’est pas pour autant parole évangélisatrice. On n’évangélise pas sans l’Évangile ; notre expérience pastorale d’une cinquantaine d’années en milieu populaire en particulier, nous a conduits à ce constat : les groupes, catholiques ou non, qui évangélisent les grandes cités sont ceux qui apportent, non pas une Bible culturelle et académique, mais la Parole de Dieu lue et partagée dans sa simplicité, sa totalité et sa vérité.
C’est pourquoi nous avons mis en relief ce qui est prioritaire pour un chrétien, au lieu de le laisser enfoui sous des notes techniques. Le succès immédiat de notre Bible, dès sa parution en France en 1994, a montré que nous répondions à un besoin urgent. Depuis cette date, des centaines de lettres de nos lecteurs sont venues nous prouver que nous avons été entendus. Presque chaque courrier reprend le même refrain : cette bible je l’ouvre tous les jours ; elle nourrit ma méditation et ma prière. Faut-il nous étonner si tant de personnes y prennent goût à la Parole de Dieu ? Faut-il nous étonner si, dans des milliers de cas, la lecture de nos bibles a accompagné un chemin de conversion ?
Puissiez-vous à votre tour, en pratiquant régulièrement cette bible – sous sa forme papier ou sous cette forme électronique que vous découvrez aujourd’hui – reprendre à votre propre compte la parole du prophète Jérémie : « Lorsque tes paroles me parvenaient, je les dévorais ; tes paroles faisaient mon bonheur et la joie de mon cœur, car alors ton saint Nom reposait sur moi, ô Seigneur, mon Dieu Tout-Puissant. » (Jer. 15,16). n
Pour aller plus loin :
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu
- La Bible des Peuples
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies