Homme d’une transition difficile après la tragédie soviétique, le Patriarche orthodoxe russe Alexis II, grand cardiaque, est mort le 5 décembre à Moscou à l’âge de 79 ans. Le métropolite Kirill de Smolensk et Kaliningrad assure l’intérim. L’élection du prochain patriarche par un synode à réunir dans les prochains mois reposera le problème des relations entre catholiques et orthodoxes.
Né en Estonie dans une famille noble d’origine allemande convertie à l’orthodoxie, Alexis von Ridiger était fils d’un prêtre opposé à la menace communiste. Mais lors de l’annexion des Pays baltes, lui aussi devenu prêtre, il a été intégré à l’appareil politico-religieux formé par le Kremlin et la hiérarchie orthodoxe russe depuis Pierre le Grand et Staline…
Entré au séminaire en 1947, il va connaître une carrière rapide : il se marie mais divorce pour pouvoir devenir évêque dans cette Église ce qui exige le célibat. À l’âge de 32 ans, il devient évêque de Tallinn : il est ordonné par le métropolite Nicodime, connu pour être ouvert au monde catholique. Il devient vice-président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, puissant instrument de pouvoir qui joue la carte d’un œcuménisme politique jusqu’à la chute du communisme, sous le signe de la paix internationale pendant la « guerre froide ».
Alexis est élu Patriarche de « toutes les Russies » en 1990, avant la chute du communisme. Dès 1992, il va être entraîné dans la querelle du « prosélytisme » imputé aux catholiques sur le territoire russe : Alexis II reproche à Rome de pratiquer un « braconnage spirituel » des âmes, alors que le Saint-Siège veut d’abord envoyer des prêtres aux quelque 600.000 catholiques de souche polonaise, lituanienne ou ukrainienne vivant en ex-URSS après la déportation de leurs familles sous Staline.
Le Patriarcat de Moscou annule au dernier moment deux rendez-vous fixés avec le Pape Jean-Paul II en Europe centrale en 1997 et 1998. Russie et Pologne ont du mal à s’entendre après six siècles de conflits…
Cependant, depuis le baiser de paix de Paul VI et d’Athénagoras en 1964, Rome entretient les meilleures relations avec Constantinople, que Moscou observe d’un œil jaloux, malgré de récentes rencontres entre les Patriarches Alexis II et Bartholoméos depuis l’été dernier à Kiev pour le 1020e anniversaire du baptême du peuple du prince Vladimir.
En froid avec Rome, Alexis II s’était rendu à Paris en octobre 2007 et venait de recevoir une délégation des évêques de France en Russie. Il n’excluait toutefois pas une rencontre avec Benoît XVI. Le nouveau patriarche orthodoxe russe devra surmonter de nombreux préjugés anticatholiques au sein de ses propres fidèles.
Denis LENSEL
Ndlr : Denis Lensel est l’auteur de « Nous lui devons la liberté, la main tendue de Jean-Paul II à l’Est », éd. Salvator.