L’élection des représentants des salariés et des patrons dans les conseils de prud’hommes ne sont en rien négligeables : organisées tous les cinq ans, elles concernent notamment 18 millions de salariés de toutes professions et travaillant dans des entreprises de toutes tailles. Les conseils élus règlent bon nombre de conflits du travail sans qu’il soit besoin de recourir aux tribunaux de l’ordre judiciaire. Le premier enjeu est donc d’ordre strictement « corporatif ».
Avec le temps, les élections prud’homales sont devenues, pour les organisations syndicales, le moyen d’afficher leurs forces respectives. Cette année, cette consultation revêt une importance particulière en raison de la réforme de la représentativité des confédérations syndicales.
Attention cependant : la représentativité ne résultera pas des élections prud’homales. Elle sera établie en fonction des résultats obtenus par les différents syndicats dans les élections des délégués du personnel et des comités d’entreprise au cours des quatre années à venir. Pour être représentative, une organisation syndicale devra obtenir au moins 10% des suffrages : telle est la règle fixée par la loi votée en juillet dernier.
Cette loi est injuste car certains syndicats ne sont pas présents dans toutes les entreprises et les salariés des PME-PMI, qui n’élisent pas de comité d’entreprise, risquent d’être pénalisés si on ne trouve pas de solution pour assurer leur participation. De petites organisations syndicales – les autonomes de l’UNSA, voire la CFTC – sont donc menacées dans leur existence même et les élections prudhommales leur permettent de faire valoir leur poids spécifique face aux grandes organisations (CGT, CFDT). Par ailleurs, le résultat des élections pourraient entraîner des recompositions syndicales : le président de la CGC souhaite un rapprochement avec la CFTC – qui s’y refuse par ne pas perdre sa culture propre – et avec l’UNSA.
C’est dans ce contexte que les élections du 3 décembre vont se dérouler. La CFTC est depuis longtemps mobilisée et a lancé toutes ses forces dans la bataille : cette mobilisation avait donné de bons résultats en 2002 (elle avait obtenu 10% des suffrages) et la confédération chrétienne espère un résultat supérieur. Mot d’ordre : « Pouvoir s’opposer – Toujours proposer ». Autrement dit : il ne faut pas dénoncer sans annoncer, selon la formule employée par le père Le Douarin (1) lors des Assises chrétiennes de la mondialisation en 2002.
Les grandes confédérations mènent également une campagne très active. Bernard Thibault (CGT) et Jacques Chérèque (CFDT) vont multiplier les déplacements en province mais il ne faut pas s’attendre à de spectaculaires actions nationales. A l’automne, Force ouvrière souhaitait une grève générale, la CGT voulait manifester, la CFDT et la CFTC ne voulaient rien faire de tel. Une rencontre intersyndicale a eu lieu début novembre et il y a eu constat sur les divergences entre les confédérations sans qu’aucune action commune ne soit décidée. Une nouvelle réunion est prévue le 25 novembre pour envisager une grande manifestation contre la dégradation de la situation sociale et pour demander au gouvernement de prendre des mesures de relance de l’économie : le 3 novembre les dirigeants des cinq confédérations représentatives ont été reçus par Nicolas Sarkozy ; le président de la République et les syndicalistes étaient d’accord sur la gravité de la crise et demandaient des mesures de relance par le moyen d’une hausse des salaires à laquelle Nicolas Sarkozy s’est refusé. Mais un mouvement national paraît peu probable au mois de décembre.
On observe cependant une augmentation du nombre de grèves et de manifestations dans plusieurs secteurs : manifestation des cheminots européens à Paris le 13 novembre, grève des pilotes d’Air France du 14 au 17 novembre, grève de la SNCF annoncée pour le 23 novembre et une dégradation du climat sensible à la Poste. La crise s’aggravant, le début de l’année prochaine sera probablement agité.
Paul CHASSARD
(1) alors Secrétaire de la Commission sociale de la Conférence des Evêques.