11 novembre, symbole et patrimoine - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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11 novembre, symbole et patrimoine

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La France, une nouvelle fois commémorera l’anniversaire de l’armistice su 11 novembre 1918. 90 ans depuis la fin de la première guerre mondiale sans doute jamais une guerre n’aura donné lieu à de telles commémorations dans la durée et l’intensité. En effet celles-ci se répètent d’année en année, dans les 36 000 communes de France. Il ne s’agit pas d’une simple commémoration comme certaines grandes dates en donnent l’occasion et qui n’existent le plus souvent qu’en un lieu (ou quelques uns) et pour tel ou tel grand anniversaire où se mêlent souvent des mobiles variés tant culturels que politiques notamment : 700ème anniversaire de Bouvines en 1914, centenaire (1889) et bicentenaire (1989) de la Révolution française, 250ème anniversaire de la Bataille de Fontenoy ou encore cérémonie annuelle aux Invalides à Paris pour la Bataille d’Austerlitz…

Avec le 11 novembre le phénomène est d’une tout autre nature. Il s’agit de commémorer un évènement – la guerre de 14-18 et ses victimes- qui a touché tous les Français et dont le souvenir demeure même s’il évolue dans le temps. Un souvenir qui ressort de la mémoire collective, du symbole et du patrimoine.

Le souvenir du conflit aux 1 500 000 victimes directes mortes au combat fut d’abord celui des hommes, les survivants, les blessés qui racontèrent leur guerre soit avec des mots, soit par leur silence pour ne pas rouvrir les plaies et l’horreur et en cette matière le non dit est aussi parlant que le dit. Le dernier témoin est mort l’an passé mais pas les témoignages puisque les écrits abondent toujours et les archives de l’armée sont désormais en ligne (fiche nominative et journaux de marche des régiments). Le souvenir fut ensuite celui des objets que l’on s’est mis à présenter, à collecter, à conserver et à muséifier pour montrer et faire partager. Mais attention ce souvenir là est moins pérenne que l’on pourrait le croire. C’est un patrimoine fragile. Il y a des modes en matière de présentation muséographique. Certaines collections privées commencent à disparaître, voire même de petits musées locaux. L’essentiel néanmoins est préservé et de belles initiatives continuent à surgir comme à Meaux (Seine-et-Marne) autour de la Bataille de la Marne. Souvenir des lieux ensuite d’abord avec les grandes nécropoles comme Douaumont mais aussi avec les villages martyrs dont plusieurs, dés le lendemain de la guerre, furent protégés au titre des Monuments historiques, lors même qu’ils avaient totalement disparu ou lieux de combats comme la tranchée des baïonnettes ou le Chemin des Dames mais là encore ce patrimoine n’est pas exempt de tout danger. Sait-on par exemple que l’on ne pourrait plus reconstituer l’épopée des Taxis de la Marne, une partie de la route ayant totalement disparu ?

Au-delà des hommes, des objets et des lieux il y a aussi les symboles. Parmi ceux-ci les 36 000 monuments aux morts en forment le socle. Il s’agit d’un ensemble unique, partagé par toutes les communes de France. Véritable lien entre elles et marque d’une certaine identité nationale. D’un point à l’autre du territoire chaque français sait qu’il aura un repère qui se répétera de lieu en lieu. Certes d’autres existent (église, mairie par exemple) mais il est utile de rappeler qu’il y a celui-là. Ces monuments forment un patrimoine qui pour l’instant ne parait guère en danger puisque chaque année il continue à être au centre d’un rassemblement qui unit toute la population sans polémique ni même différenciation par l’âge ou les générations, les écoliers étant de plus en plus associés aux cérémonies. Monuments publics, placés le plus souvent dans un espace public ouvert, ils sont l’objet de soins réguliers pour les entretenir. En revanche un autre patrimoine lui aussi lié au culte des victimes paraît actuellement beaucoup plus menacé, celui des tombes individuelles présentes dans les cimetières communaux.

En effet, après la guerre de nombreuses familles voulurent placer leurs morts dans des sépultures individuelles dans les cimetières des villages où leurs enfants avaient vécu. Vivre et mourir au pays ! Un tiers des morts bénéficièrent de ce type de sépulture. Dans certains cas il s’est agit d’une inhumation dans le caveau de famille sans grand signe distinctif hormis l’inscription mais, parfois, il s’est agit de créer des tombes spécifiques avec des décors particuliers : Fusils, drapeaux, éléments divers, sculptures ou médaillons etc. Il y a là un réel patrimoine car ces petits monuments sont de vrais témoignages d’une époque, d’une sensibilité et d’évènements qui nous dépassent tous. Ces tombes, parce qu’elles sont privées subissent le sort de toutes les autres et certaines font l’objet de reprises de concession d’autant plus faciles que la dispersion des familles donnent, actuellement toute latitude aux municipalités pour ce faire. Ces humbles témoignages de nos morts de la Grande Guerre, du moins les plus intéressants d’entre eux, mériteraient pourtant de survivre. Ils sont quelques centaines, peut-être quelques milliers Ce serait un bon moyen de monter qu’au-delà des symboles que sont les monuments aux morts, il y avait des hommes faits de chair et de sang. Sauvegarder leur dernière demeure serait un bel hommage qui, préservant un patrimoine humble et méconnu, complèterait celui que l’on rend aux monuments aux morts avec tous les honneurs officiels.

Philippe MONTILLET