Les massacres de tirailleurs sénégalais en 1940 - France Catholique
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Les massacres de tirailleurs sénégalais en 1940

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Raffael Scheck. Une saison noire. Les massacres de tirailleurs sénégalais, mai-juin 1940.

Cambridge University, 2006. Tallandier, 2007, 287 pages, 22 euros.

Professeur d’histoire moderne de l’Europe dans le Maine, R.Scheck a publié des études sur la Kriegsmarine, la droite allemande et les femmes sous la république de Weimar. Des recherches dans les archives militaires françaises et allemandes, et le concours de P.Gaujac, A.Champeaux et E.Deroo lui ont permis d’approfondir la question mal connue des massacres perpétrés par la Wehrmacht contre les soldats d’Afrique noire en mai-juin 1940.

Le bilan qu’il en fait compte un minimum de 1.500 tués, et pourrait aller jusqu’à 3.000, sur un total de 17.000 tirailleurs noirs morts dans la campagne de France. 15 sites d’exécution sont localisés, en même temps que sont identifiés les numéros des régiments coloniaux et des divisions allemandes. Ces sites se trouvent dans la Somme (24 mai au 8 juin), dans l’Oise (du 9 au 10 juin), dans la région de Chartres à Orléans (9 au 19 juin), en Lorraine (14 au 22 juin), dans le Rhône (19 au 21 juin), ainsi qu’à Sillé-le Guillaume et Clamecy. Les survivants, internés en France dans des Frontstalags, sont pendant plusieurs mois soumis à des brutalités et au manque de nourriture.

Parmi les causes de ces excès, R.Scheck relève la peur des combattants allemands, qui suspectent les noirs de mutilations au coupe-coupe, se souviennt de la « Honte noire » de 1919 en Rhénanie. Surpris par leur résistance inattendue alors que la guerre est perdue, ils sont influencés par la propagande raciste qui les considère comme des untermenschen sauvages, perfides et obsédés sexuels. Un discours de Goebbels (29 mai) et la thèse de Rosenberg accusant la France de négrification justifient ces actions. Cette barbarisation n’est cependant pas généralisée au sein de la Wehrmacht, mais elle touche les unités SS telles que la division Totenkopf et le régiment Grossdeutschland.

On peut regretter que le commandement français ne réagisse pas et ne prenne ni mesures de représailles ni retrait des régiments coloniaux. Mais il est arrivé que des officiers français se mettent devant leur troupe et subissent le même sort (capitaine Speckel et quatre de ses officiers).

L’opinion allemande n’ignore pas les mauvais traitements qui ont été perpétrés en 1871 contre les francs-tireurs, en 1904 contre les Herreros, en 1939 contre les Juifs polonais et plus tard contre les prisonniers soviétiques. Mais la connaissance des exécutions de tirailleurs est pratiquement inexistante en Allemagne. Cette excellente étude historique devrait remédier à cette ignorance.

Maurice FAIVRE