Alors que la communauté catholique a fondu presque de moitié depuis la guerre, les réfugiés tardent à rentrer au pays devant
la fragilité de la paix
et la discrimination
qui les attend.
La Bosnie-Herzégovine est difficilement gouvernable parce que divisée en deux entités : les musulmans (43% de la population) et les catholiques (11%) forment une Fédération croato-musulmane qui rêve d’intégration européenne, mais la République Srpska (Serbes orthodoxes = 31%) aspire d’abord, malgré la ferme réprobation des instances internationales, à se fédérer avec la Serbie voisine.
« Évoquant la situation de la minorité catholique, Mgr Ivo Tomasevic, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques de Bosnie, estime que leur situation ne s’est guère améliorée depuis la fin de la guerre. Les chiffres sont éloquents : hier 800 000 en Bosnie Herzégovine, ils ne sont plus aujourd’hui que 460 000. Sur le territoire de la République serbe, ils sont passés de 200 000 à 6 000. Il s’agit bien d’une épuration réussie.
Alors que les accords de Dayton datent de plus de dix ans, Mgr Ivo déplore la continuation d’une certaine forme d’épuration ethnique qui s’exerce par des moyens administratifs, à l’encontre des catholiques qui souhaiteraient revenir dans leurs villes d’origine désormais serbes : « nous connaissons le cas de gens qui sont rentrés et qui ont dû attendre trois voire quatre ans pour recevoir l’électricité. C’est une tactique pour que les gens ne reviennent pas. [Dans les mêmes régions] nous devons demander et payer des autorisations pour reconstruire une église que les Serbes ont eux-mêmes incendiée, sans même qu’il y ait eu des opérations de guerre dans ces zones ! »
Dans le diocèse de Banja Luka, désormais capitale de l’entité serbe, 90 % des églises catholiques ont été détruites… Six prêtres ont été tués, en dehors de toute action de guerre, sans qu’un seul responsable de ces assassinats n’ait été amené devant les tribunaux jusqu’à aujourd’hui.
Mais les milieux serbes ne sont pas moins inquiets. L’agression subie par l’évêque orthodoxe, Chrysostome Jevic a ravivé bien des craintes. Cela s’est déroulé le 15 juillet dernier, chez lui à Bihac, ville située à 200 kilomètres à l’ouest de la capitale Sarajevo, dans la Fédération croato-musulmane. L’évêque, âgé de 65 ans, a été ligoté et blessé à la tête et sur tout le corps. Les agresseurs lui ont réclamé de l’argent et l’ont battu. Il s’agit, selon un porte-parole de l’Église orthodoxe, de l’agression la plus grave commise dans la région contre un représentant de l’Église orthodoxe depuis la fin de la guerre de 1992-1995.
L’Église orthodoxe poursuit cependant son travail de reconstruction des églises détruites pendant la guerre, par exemple l’église Saint-Nicolas à Gostovici, récemment reconstruite et consacrée après avoir été incendiée en 1992.
Côté musulman, l’influence des pays arabes, et leur soutien financier, se fait sentir, et cela amène une certaine radicalisation de petits groupes qui inquiètent les tenants d’un islam sunnite réputé modéré et tous ceux qui se voudraient simplement laïcs à l’occidentale.
Malgré tout, l’Église catholique renforce son engagement dans les domaines de l’éducation et des activités sociales et caritatives. Sa contribution pour favoriser la coexistence pacifique entre les différents groupes du pays est reconnue. Le 25 octobre dernier était ratifié au Vatican l’Accord fondamental entre le Saint-Siège et la Bosnie-Herzégovine qui régule la position juridique de l’Église catholique dans le pays. « Une journée historique » a estimé le cardinal Bertone, Secrétaire d’État du Vatican.