Est-il un moyen terme, ce que Jacques Maritain eut appelé « un juste milieu d’éminence » propre à nous faire échapper aux excès qui empoisonnent nos rapports avec l’islam et, plus concrètement, nos frères musulmans ? L’actualité la plus quotidienne nous montre combien c’est difficile. Benoît XVI baptise-t-il dans la nuit de Pâques le journaliste Madgi Allam qu’il lui est aussitôt vivement reproché non seulement de mettre en valeur la conversion d’un musulman au catholicisme, mais aussi de sembler cautionner la polémique très virulente que cet ancien musulman développe à l’égard de l’islam. Le Vatican peut aussitôt répondre qu’il y a lieu d’opérer une distinction entre les idées personnelles du journaliste et la position officielle de l’Église, le malaise n’en subsiste pas moins, notamment du côté des intellectuels musulmans les plus engagés dans le dialogue avec Rome.
C’est donc qu’il est très difficile de créer un climat réciproque de compréhension entre chrétiens et musulmans. Nous pourrions opposer au baptême d’une personnalité très connue en Italie, les milliers de conversion de chrétiens à l’islam, qui s’opère dans tous les pays d’Europe, en mettant une évidente volonté de prosélytisme. Cela ne ferait qu’attiser les passions alors qu’il conviendrait de trouver un langage de sagesse fondé sur le respect des convictions mais aussi la rigueur nécessaire aux échanges intellectuels. Ce n’est en tout cas pas la voie qu’a choisie le député néerlandais Geert Wilders en mettant en ligne un film d’une violence très calculée contre les musulmans et leur entreprise d’expansion mondiale. Cette volonté de jouer sur les ressentiments ne peut avoir que les plus néfastes conséquences.
N’hésitons pas à proposer un parti pris de bienveillance à l’égard des personnes et de leurs convictions, allié à une éthique de dialogue permettant d’exposer nos différends théologiques avec toute la franchise désirable. Mais c’est refuser la logique d’un double excès. Celui qui entend se soumettre au mimétisme du choc des civilisations et celui qui prétend éliminer les difficultés en niant les réalités et les positions antagonistes. Il est certes singulièrement difficile d’échapper à ce double excès, mais succomber à son vertige est la meilleure façon de tourner le dos aux exigences de la vérité et de la justice.
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Pour aller plus loin :
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Louis Massignon et le dialogue islamo-chrétien