12) Application de l’ordonnance du 4 juin 1960 au cas des officiers
français – les généraux Challe et Zeller
– citation devant le Haut Tribunal Militaire
Le rapport à M. le Président de la République (De Gaulle) du Garde des
Sceaux (Edmond Michelet), du ministre des Armées (Pierre Messmer) et du
Premier Ministre (Michel Debré) visant à déférer les généraux Challe,
Jouhaud, Salan et Zeller devant le Haut Tribunal Militaire indique «
qu’il n’y a lieu de ne retenir les susnommés (les généraux Challe,
Jouhaud, Salan et Zeller, NdR) que sous la seule et unique acceptation de
l’article 99 du code pénal ». C’est donc sous le seul chef
d’accusation « d’avoir dirigé et organisé un mouvement
insurrectionnel » relevant de l’article 99 du code pénal que les quatre
généraux sont déférés devant le Haut Tribunal Militaire institué par
décision du Président de la République du 27 avril 1961 en vertu de
l’article 16 de la constitution. Le décret correspondant est signé le
20 mai 1961 par le Président de la République, le Premier ministre, le
Garde des Sceaux (Edmond Michelet) et le ministre des armées. En vertu de
l’ordonnance du 4 juin 1960, ils risquent la peine de mort.
Le procureur général Besson, dans l’ouvrage cité plus haut (Le Mythe
de la Justice), indique qu’il refusa d’utiliser les droits exorbitants
qui lui étaient conférés par les textes pris en vertu de la mise en
application de l’article 16. Il aurait pu mettre en œuvre une procédure
consistant à mettre sous mandat, après un simple interrogatoire les
personnes arrêtées, leur comparution devant le Haut Tribunal Militaire
devant avoir lieu à l’expiration d’un délai de huit jours. Il ajoute
: «Une telle procédure n’avait pas de précédent, même en temps de
guerre où la citation directe ne peut être employée que si la peine de
mort n’est pas applicable. »
– demandes ministérielles au procureur général Besson avant le procès
Elles sont connues par la publication, dans l’ouvrage de Jean-Raymond
Tournoux, « Jamais dit » (490 p. Plon, 1971), des notes prises par le
procureur général Antonin Besson dans les jours précédant le procès
des généraux Challe et Zeller (pp. 258-262).
Le samedi 27 mai 1961, Le procureur général Antonin Besson est convoqué
à une réunion à 17h30 au Ministère de l’Intérieur à laquelle
participent MM Frey, ministre de l’Intérieur, Messmer, ministre des
Armées et Michelet, Garde des Sceaux. : « Après une très agressive
entrée de jeu par M. Michelet sur la question de la salle d’audience
….. M. Messmer me demande, d’un ton doucereux, quelles sont mes
intentions en ce qui concerne la peine que je me propose de requérir
contre Challe et Zeller. »
Dimanche 28 mai 1961
« A 9h30, M. Michelet m’appelle au téléphone. Il me demande d’aller
à la Chancellerie, le lundi matin à 9h30 pour y rencontrer ses collègues
de l’Intérieur et des Armées. Je lui fais part des graves objections
que je formule à l’encontre de cette réunion, fixée à quelques heures
avant l’ouverture des débats… »
« Vers 12h30, nouveau coup de téléphone de M. Michelet qui m’annonce
que la réunion aura lieu à la Chancellerie le soir même, à 19h30. »
« Je suis très inquiet de l’allure que va prendre cet entretien ; je
suppose qu’il va se traduire par une aggravation de la pression faite sur
moi, la veille, en ce qui concerne les peines à requérir. La réunion
envisagée ne me paraît pas avoir d’autre but. Enfin, le ton «
affectueux » de M. Michelet, qui m’appelle son « cher procureur
général » me laisse la conviction qu’une partie décisive va se jouer
ce soir. »…..
« J’arrive, à 19h30, à la Chancellerie où le rendez-vous m’a été
donné. Les ministres sont là qui m’attendent et me donnent
l’impression de constituer un véritable tribunal de l’Inquisition. La
façon dont je serai interrogé me le confirmera car je vais être soumis
à des entretiens qui procèdent du lavage de cerveaux. »…
Pierre Messmer réclame pour Challe et Zeller que soit requise la même
peine, la peine de mort. « Le code pénal prévoit la mort, et l’on ne
voit pas dès lors pourquoi je ne la requerrais pas »…
« M. Michelet relaie M. Messmer dans l’entreprise de désintégration
de ma personnalité. »
– Lettre d’Edmond Michelet au procureur général Besson
Les principaux extraits de cette lettre ont été publiés dans
l’ouvrage de Jean-Raymond Tournoux cité plus haut (p. 265). Le texte
intégral figure, pp. 263-268, dans un autre ouvrage de Jean-Raymond
Tournoux « L’Histoire Secrète » (383 p. Plon, 1962).
Dans cette longue lettre de cinq pages datée du 30 mai 1961, Edmond
Michelet écrit : « Les articles 90 et 91 combinés, l’article 99 du
Code Pénal semblent avoir été exactement conçus pour des situations de
cette sorte. »
Il s’agit d’articles figurant dans l’ordonnance du 4 juin 1960
cosignée par Edmond Michelet.
Il ajoute : « Le code est formel : il prévoit la peine de mort. On
n’aperçoit pas quelles circonstances atténuantes peuvent être
découvertes. »
Et, plus loin : « A la lumière du dossier, le crime d’ André Zeller a
été plus largement prémédité. », et encore : « ..si la peine de mort
n’est pas réclamée cette fois, il est à escompter, pour tenir compte
de la hiérarchie des responsabilités, que les sanctions à envisager
ultérieurement devront descendre fort bas dans l’échelle des peines et
gêner par conséquent d’une façon considérable l’ensemble de la
répression ».
Enfin : « J’ajouterai en terminant que vous avez certainement
conscience que si les crimes commis le 21 avril et jours suivants ne sont
pas sévèrement châtiés, la porte est ouverte à l’exemple ».
– Réflexions du procureur général Besson sur l’application de la
peine de mort aux généraux Challe et Zeller
Elles figurent dans l’ouvrage d’Antonin Besson cité plus haut (pp.
284-285). Il s’agit de commentaires à propos de la lettre reçue
d’Edmond Michelet :
« Si la lettre était tendre pour Challe, par contre, elle était
rigoureuse pour Zeller contre lequel il était relevé que par ses
contacts, ses relations et ses projets, ce général s’était introduit
dans les milieux activistes et que ses desseins dérivaient largement sur
la politique. Sans doute était-ce vrai! Mais les seuls éléments
résultant du dossier et dont je pouvais tenir compte s’appuyaient sur
les articles incendiaires qui dataient d’avril 1957 , ce qui ne l’avait
pas empêché de devenir au lendemain du 13 mai 1958 le chef
d’état-major des Forces terrestres.
Rapprochée de ce qui m’avait été dit le samedi 27 mai, sur le compte
de Zeller, cette lettre m’apportait la conviction que seul Zeller serait
exécuté dans le cas où les deux accusés seraient condamnés à mort et,
a fortiori, si ce dernier devait être le seul à être condamné à la
peine de mort. »
– Réaction d’Edmond Michelet au verdict du procès Challe-Zeller
Le procureur général Besson, dans son réquisitoire demanda une peine de
détention criminelle à perpétuité pour les généraux Challe et Zeller.
Le tribunal reconnut les circonstances atténuantes et les condamna, au
titre de l’article 99 du Code pénal à une peine de quinze ans de
détention criminelle.
Le seul document connu de nous qui fasse état de la réaction d’Edmond
Michelet à la suite du verdict du Haut Tribunal Militaire est le texte
d’une communication faite par Jean-Michel Valade, professeur chargé du
Service éducatif du Centre Edmond Michelet, lors d’une Journée
d’études sur le guerre d’Algérie, tenue le 18 janvier 2006, au lycée
Cabanis de Brive.
Cette communication s’intitule : « Du putsch des généraux, à Alger,
en avril 1961, à la prison de Tulle », avec pour sous-titre : « Essai
d’utilisation de quelques sources du Centre Michelet ».
A propos du verdict du procès des généraux Challe et Zeller, l’auteur
écrit : «Edmond Michelet, dont les relations avec le Premier ministre se
sont dégradées, rédige une nouvelle lettre de démission. Justifiant sa
détermination à quitter le gouvernement Debré, le Garde des Sceaux
évoque « le détestable réquisitoire du Procureur Général et le
scandaleux verdict du Haut Tribunal Militaire » qui sont analysés comme
« des conséquences, entre bien d’autres, de l’affaiblissement du
civisme chez ceux qui devraient se considérer comme les premiers
serviteurs de l’état.»
Après le procès Challe-Zeller, Antonin Besson sera nommé, le 28 août
1962, conseiller du gouvernement pour les affaires judiciaires, ce qui lui
retirera son titre de procureur général près la Cour de Cassation. Le
gouvernement ne le consultant pas, il demandera sa mise à la retraite en
octobre 1962.
13) Actions d’Edmond Michelet en tant que Ministre de la Justice selon
les ouvrages disponibles et dans la presse
Il n’existe pas, à notre connaissance d’ouvrage faisant un bilan
exhaustif de l’action d’Edmond Michelet en tant que Garde des Sceaux.
Le recueil des communications faites au colloque « Edmond Michelet, homme
d’Etat » tenu au Palais du Luxembourg les 15 et 16 octobre 1999 (271p.
Fraternité Edmond Michelet, Brive, 2000) comporte :
– une contribution de Guillaume Mouralis, « Le ministre de la Justice,
1959-1961 »
– une contribution de Sylvie Thénault, « Edmond Michelet et les
institutions judiciaires en Algérie »
– une contribution de Raphaëlle Branche, « Edmond Michelet, le ministre
de la Justice et la torture ».
L’article de Guillaume Mouralis met en valeur
– les actions menées par Edmond Michelet en faveur des détenus F.L.N.
(institution d’un régime voisin du régime politique, transfert en
métropole des ex-condamnés à mort F.L.N. – tous graciés en janvier
1959, transfert dans l’enceinte fortifiée de l’île d’Aix, des chefs
du F.L.N. arrêtés en 1956),
– les contacts pris avec Fehrat Abbas dès 1959 puis les relations
étroites avec les détenus de l’île d’Aix (Ahmed Ben Bella en
particulier mais aussi Rabah Bitat, Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed,
Mohamed Boudiaf)
– les relations difficiles avec Michel Debré irrité par les actions du
cabinet d’Edmond Michelet, en particulier celles de Gaston Gosselin qui
quittera le cabinet, suivi par Joseph Rovan, et qu’Edmond Michelet
remplacera par Hervé Bourges.
Rien n’apparaît, dans cet article, sur les lois, décrets et
ordonnances promulgués sous la responsabilité d’Edmond Michelet pendant
la période où il a été Garde des Sceaux.
La communication de Sylvie Thénault se focalise sur le décret du 12
février 1960 (voir plus haut) ; celle de Raphaëlle Branche sur la
torture.
Outre les ouvrages cités plus haut d’Antonin Besson et de Jean-Raymond
Tournoux, certains des livres d’Edmond Michelet, consacrés à Edmond
Michelet ou mentionnant Edmond Michelet traitent des thèmes de l’article
de Guillaume Mouralis, en y ajoutant parfois le fait qu’Edmond Michelet,
en tant que Garde des Sceaux, a demandé systématiquement la commutation des peines de mort prononcées contre les membres du F.L.N. convaincus la
plupart du temps d’attentats avec morts d’hommes. Ces demandes de
grâce ont été satisfaites dans la proportion de 9/10. Sont parfois
notés les efforts, couronnés de succès en mai 1961, pour faire
transférer les détenus de l’île d’Aix au château de Turquant.
Souvent, rien n’est dit de précis sur l’action d’Edmond Michelet au
ministère de la Justice.
On peut citer :
– Joseph Rovan, Mémoires d’un Français qui se souvient d’avoir
été Allemand, 555 p. Seuil, 1999.
– Edmond Michelet, Le gaullisme, passionnante aventure, 171 p., Fayard,
mai 1962
– Jean Charbonnel, Edmond Michelet, 292 p., Beauchesme, 1988
– Edmond Michelet, La querelle de la fidélité, peut-on être gaulliste
aujourd’hui ? entretiens avec Alain Duhamel, 189 p., Fayard, 1971
– Claude Michelet, Mon père Edmond Michelet, 219 p., Pocket 1990
– Pierre Panen, Edmond Michelet, 136 p., Desclée de Brouwer, 1991
– Louis Terrenoire, Edmond Michelet, mon ami, 142 p., Nouvelle cité,
1992
– Hervé Bourges, De mémoire d’éléphant, 506 p., Grasset, 2000
En ce qui concerne la presse, sans être bien entendu exhaustif, on peut
citer trois articles consacrés à Edmond Michelet :
– L’Express, n°487 du 13 octobre 1960
Ce numéro, dont la « une » est un portrait pleine page d’Edmond
Michelet porte, la mention : Michelet : histoire d’un gaulliste. La
double page (10-11) qui lui est consacrée est signée de Claude Krief.
Celui-ci cite l’ordonnance du 60-067 du 6 octobre 1960 prise sur le
rapport du Garde des Sceaux (Edmond Michelet) qui contient deux
dispositions principales :
◦ aucun témoin ne pourra, lors d’un procès, parler d’événements
ne se rapportant pas directement aux faits reprochés à l’accusé,
◦ toute suspension d’un avocat au cours d’un procès devient
immédiatement exécutoire.
Cette dernière disposition sera appliquée, à notre connaissance une
seule fois, à Me Isorni, le 6 février 1963 lors du procès dit « de
l’attentat du Petit-Clamart » tenu devant la Cour Militaire de Justice.
Me Isorni est suspendu pour une période de 3 ans, immédiatement
exécutoire, nonobstant les voies de recours. L’émotion est grande au
barreau de Paris. Me François-Martin est commis d’office par le
bâtonnier pour assurer la défense de Prévost dont Me Isorni était le
défenseur. Prévost sera condamné à mort, de même que Bastien-Thiry et
Bougrenet de la Tocnaye. Bastien Thiry sera exécuté, Prévost et
Bougrenet de la Tocnaye verront leurs peines commuées en détention
criminelle à perpétuité.
La tonalité de l’article de Claude Krief est celle-ci : Edmond
Michelet, « gaulliste inconditionnel, garde une foi aveugle (en de Gaulle,
NdR) qui lui fait tout couvrir et tout accepter. ». « Ses drames de
conscience ne changent rien à la chose : la signature d’Edmond Michelet
est indélébile sur les pages du Journal Officiel. »
– France-Observateur n° 575 du 11 mai 1961
Ce numéro, comme celui de l’Express, présente à sa « une » un
portrait d’Edmond Michelet, avec, pour titre, Le Conflit Debré-Michelet.
Dans le corps de l’article (pp.3 à 5), signé Georges Suffert, quelques
faits sont mentionnés, dont la dissolution toute récente du Conseil de
l’Ordre des avocats d’Alger par un décret signé d’Edmond Michelet.
Est indiqué également le conflit entre Michel Debré et Edmond Michelet
A la suite de la demande par le premier au second d’accélérer les
poursuites contre les signataires du « Manifeste des 121 », Edmond
Michelet oppose une un non catégorique. « Il souligne le caractère
dérisoire de l’amalgame (avec la révolte d’Alger d’avril 1961, NdR)
; impossible de mettre sur le même plan la révolte militaire de quatre
des plus hauts responsables de l’armée française et les signatures
d’un certain nombre d’intellectuels au bas d’un texte… Il laissera
le procès des 121 venir normalement en temps voulu.». Le désaccord est
net. Michel Debré est irrité. En fait, Edmond Michelet quittera son
ministère le 24 août 1961.
– Le Monde n° 8006 du samedi 10 octobre 1970
Ce numéro présente une nécrologie d’Edmond Michelet décédé le 9
octobre 1970 et un long article de Joseph Rovan intitulé : « Un homme
d’Etat franciscain ».
La nécrologie mentionne : « Dans le cabinet de M. Michel Debré,
jusqu’au remaniement du 24 août 1961, M. Michelet sera Garde des Sceaux
et apparaîtra comme le représentant de la tendance libérale du
gaullisme, ce qui n’ira pas sans créer divers conflits.»
Joseph Rovan indique la mise en chantier par Edmond Michelet de nombreuses réformes, « régimes matrimoniaux, statut de la famille et de la
personne, régime des sociétés, humanisation du régime pénitentiaire
», mais ce n’est pas le cœur de son article qui développe surtout les
épisodes de la résistance et du ministère des armées ainsi que son
tropisme F.L.N., rappelant qu’Edmond Michelet a reçu en 1967, premier
Français, après une visite au président Houari Boumediene, la médaille
d’honneur de la ville d’Alger.
Les ouvrages, hormis ceux d’Edmond Michelet lui-même, écrits soit par
des amis soit par des collaborateurs d’Edmond Michelet, manquent de la
distanciation indispensable pour fournir une vue complète et impartiale de
la vie et de la personnalité d’Edmond Michelet. Il reste à écrire une
biographie non hagiographique d’Edmond Michelet, homme politique et en
particulier ministre de la Justice.
Les archives du Centre Edmond Michelet de Brive, dont le pré-inventaire a
été mis à jour en 2003, contiennent des documents permettant ce travail.
Certaines de celles relatives à son passage au ministère de la Justice ne
sont pas communicables avant un long (2022) ou très long (2069) délai.
Quoi qu’il en soit, il reste qu’Edmond Michelet est le signataire
d’une ordonnance, celle du 4 juin 1960, rétablissant la peine de mort en
matière politique, peine abolie depuis 1848.
2) L’association France-Algérie
21) Création en 1962-1963
L’association France-Algérie, créée le 20 juin 1963, a été
déclarée le 9 juillet 1963 à la Préfecture de Police de Paris.
Son siège social était situé au 235 Bd St Germain à Paris 7ème. Elle
a pour but de « concourir au développement de relations amicales et au
progrès de la coopération entre Français et Algériens ».
Son bureau initial était composé comme suit :
– Président : M Michelet Edmond , né le 8 octobre 1899 à Paris, membre
du Conseil Constitutionnel, domicilié 11 rue Saint Dominique, Paris 7ème
– Vice-présidents :
◦ M. Buron, Robert, né le 27 février 1910 à Paris, ancien ministre,
domicilié 14 rue de Bellechasse, Paris 7ème
◦ M. Roy, Jules, né le 22 octobre 1907 à Rovigo (Algérie),
journaliste, domicilié 65 avenue Georges V, Paris 8ème
◦ Melle Tillion, Germaine, née le 30 mai 1907 à Allégre
(Haute-Loire), Directrice Hautes Etudes (Sorbonne), domiciliée 3 avenue
Daumesnil, Saint Mandé (Seine)
– Secrétaire général : M. Gault, Jean-Pierre, né le 29 septembre 1936
à Ankara (Turquie), secrétaire général, domicilié 5 rue Fourcade,
Paris 15ème
– Trésorier : M. Postel-Vinay, André, né le 4 juin 1911 à Paris,
directeur général de la Caisse Centrale de Coopération Economique,
domicilié 2 avenue de Villiers, Paris 7ème
– Trésorier-Adjoint : M. Gonon, Jean-Pierre, né le 28 novembre 1931 à
Alger, avocat, chargé de mission CEDA, domicilié : Résidence du
Pré-au-Bois à Vaucresson (S&O)
– Membre : Emmanuel, Pierre, né le 3 mai 1916 à Gan (Basses-Pyrénées),
écrivain, domicilié : 61 rue de Varenne, Paris 7ème
–
Jean-Pierre Gonon, avocat ayant plaidé pour le F.L.N. au début des
années 1960, actuellement (novembre 2007) vice-président de
l’association, dans une communication au 19ème colloque
d’Aubazine-Brive tenu en 1995 et dont les actes ont été publiés la
même année par Les Compagnons de la Fraternité Edmond Michelet, indique
: « Et même si l’association France-Algérie n’a été juridiquement
constituée qu’en juin 1963, c’est dès l’été 1962 qu’il (Edmond
Michelet) accepta d’être, du côté français, l’apôtre de ce
rassemblement. »
Lors de la conférence de presse du 21 juin 1963, l’association est
présentée comme une association privée, n’étant liée à aucun des
deux gouvernements. Il est indiqué qu’une association Algérie-France
correspondante se constitue en Algérie.
Les deux premiers objectifs de l’association sont :
– de participer à la « campagne menée par le Comité International pour
la reconstitution de la Bibliothèque de l’Université d’Alger »
– de se préoccuper de « la situation dramatique des centaines
d’enfants abandonnés du fait de la guerre ».
En décembre 1963, le bulletin intérieur fait un premier bilan de son
action.
Il n’est pas fait mention de quelconques actions en faveur des anciens
supplétifs de l’Armée française en Algérie dont plusieurs dizaines de
milliers ont été massacrés dans les mois suivant l’indépendance et
dont le calvaire est loin d’être terminé. Edmond Michelet ne pouvait
pas ne pas être au courant de ces exactions systématiques dont la presse
française avait parlé. On peut comprendre ce silence si des actions
discrètes ont été entreprises. Les archives de l’association recèlent
peut-être des documents allant en ce sens. Il serait intéressant de
demander au président actuel de l’association, M. Pierre Joxe s’il y a
eu de telles actions gardées secrètes. Si c’est le cas, rien n’en a
transpiré depuis 44 ans qu’existe l’association.
Dans les actes du colloque mentionné supra, une communication de Benjamin Stora, intitulée « Mémoires de guerre et batailles de mémoires »,
vient rappeler, dans la section consacrée aux « Exclus de l’histoire
officielle », que « 250.000 hommes au total, si on compte différents
groupes comme les groupes mobiles de sécurité ou autres qui, sous un
angle ou un autre ont combattu dans ou aux côtés de l’armée
française, c’est considérable. Environ 60.000 ont quitté l’Algérie,
et ensuite plusieurs dizaines de milliers ont été massacrés de l’été
1962 jusqu’à la fin de l’année 1962 ; Il reste à la fin de
l’année 1962 environ 100.000 harkis et leurs familles dans la société
algérienne. Ce sont des choses qu’on oublie. Plus tard, ils auront des
enfants, ou des petits enfants. Or ce groupe n’oubliera pas. Il a été
à la fois massacré, stigmatisé, mis hors de la nation pour avoir
combattu aux côtés de l’armée française »…
L’association France-Algérie a-t-elle attendu 1995 pour prendre
conscience de la situation des harkis ? C’est une grave question ; pour
la mémoire d’Edmond Michelet, il devrait y être répondu. Des archives
de France-Algérie des années 1962 à 1967 sont stockées au centre
Michelet de Brive ; elles ne sont pas communicables avant 2027-2031.
22) Edmond Michelet citoyen d’honneur de la ville d’Alger
En 1967, Edmond Michelet est ministre d’Etat, chargé de la Fonction
publique dans le cabinet Georges Pompidou du 8 avril 1967 où il occupe le
3ème rang dans l’ordre protocolaire.
Le 16 novembre 1967, il se rend en visite officielle en Algérie. Il y est
reçu par le président Houari Boumediene qui a renversé Ahmed Ben Bella
le 19 juin 1965, après l’avoir aidé à prendre le pouvoir, avec
l’A.L.N., à l’été 1962. Ben Bella passera 14 ans en prison dont
plusieurs mois au secret, un an en résidence surveillée, dix ans en exil
avant de retourner en Algérie en 1990.
Durant ce voyage, Edmond Michelet est accompagné par Joseph Rovan qui
raconte : « Je l’accompagnai dans ce voyage si émouvant pour nous, et
si éprouvant puisque l’Algérie indépendante était à la fois le
succès et l’échec de ce que nous avions voulu obtenir. Nous fûmes
reçus ‘’royalement’’ par la République algérienne, au point que
Michelet dut demander à ses collaborateurs de refuser tout cadeau
précieux (ce qu’il fit bien entendu lui-même) ; C’est ainsi qu’au
lieu d’un tapis ancien qu’on m’avait offert, je ramenai à la maison
un…régime de dattes. Auparavant, Michelet et moi-même avions été
reçus par le président de la République Houari Boumediene. Au cours de
l’entretien – nous étions quatre seulement, Michelet et moi,
Boumediene et son ministre de l’Intérieur, Ahmed Medighri, qui me fit
une excellente impression – le chef de l’Etat algérien dit à mon
ministre de bien saluer de sa part le général de Gaulle et de lui dire à
quel point les Algériens seraient heureux s’il voulait les honorer
d’une visite….Le couronnement de ce voyage, si émouvant à plusieurs
titres, fut la réception à la mairie d’Alger. Comme ami du peuple
algérien et en souvenir de ses paroles et actions pendant le conflit, de
ses efforts pour donner à celui-ci une fin humaine et honorable, le maire
d’Alger avait décidé de conférer à Edmond Michelet la citoyenneté
d’honneur de sa ville. Il était le premier Français à la recevoir.
Dans la plus grande salle de la mairie, ils furent des centaines à
entendre le maire dire à mon ministre : Dans cette salle, Monsieur le
Ministre d’Etat, vous voyez réunie la quasi-totalité de la classe
politique de l’Algérie indépendante. Eh bien, de tous ces hommes, un
sur deux vous doit la vie. »
Bernard ZELLER