« Quoi de mieux ? » Ce seront les derniers mots de l’interview de Maïa Simon, diffusée sur RTL pour justifier son suicide assisté en Suisse. L’actrice française qui vient de mourir à l’âge de 67 ans y explique son dernier voyage en voiture avec ses amis. « Un truc un peu fou, ça m’amuse beaucoup » a-t-elle expliqué en parlant de son « escapade » qu’elle revendique sans nostalgie. L’exclusivité de l’interview émouvante d’Olivier Geay fait penser à l’ultra-médiatisation de la mort du jeune Vincent Humbert, il y a bientôt quatre ans. Maïa Simon évoque d’ailleurs le jeune homme en considérant comme « ignoble » « qu’on ait laissé pendant des mois ce jeune garçon comme une plante ».
Une fois de plus, le travail des soignants de rééducation des grands traumatisés ou des professionnels des services de soins palliatifs qu’elle considère comme le lieu d’une vie « végétative » subissent, sans parade possible, les contre-sens. Mais que savait réellement cette femme désespérée, atteinte d’un cancer, sur le travail extraordinaire qu’ils font auprès des patients malades ou dépendants ? La dépendance, l’actrice n’en veut pas ; elle se décrit comme une « nomade toute tournée vers l’extérieur ». Bien sûr, l’adhérente, depuis un an, à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) revendique ce « droit de choisir sa mort » qui l’a conduit à ingérer un poison mortel, avec l’aide de l’association Dignitas qui intervient légalement en Suisse. C’est « son dernier coup de théâtre », écrit le Figaro. Une véritable opération de communication où elle affirme vouloir « faire évoluer les mentalités » afin que cesse ce qu’elle nomme « l’hypocrisie » de la situation française. Lorsqu’on écoute avec tout le respect qui lui est dû les propos de l’actrice, on découvre un terrible aveu « Je vis seule ». Elle n’a pas actuellement de compagnon. On entend aussi comme mobile de son départ la peur de voir « s’effilocher » la relation très forte qu’elle entretient avec ses amis mais qu’elle n’imagine pas pouvoir durer : « Vous ne pouvez pas toujours imposer aux gens de s’occuper de vous ». Le journaliste a beau lui dire « vous êtes encore belle et intelligente », justement, c’est ainsi qu’elle a décidé de mourir, avant que son état ne l’empêche de sortir : « Si je n’ai plus la liberté d’aller caracoler à l’extérieur, c’est comme si on m’assassinait. »
Maïa Simon revendique au passage un athéisme qui n’est pas dénué d’agressivité. Elle ironise sur ces catholiques qui, bien que croyant au paradis, ont, d’après elle, si peur de la mort. Elle n’en a pas peur et l’affirme bravement. Elle a vu à Benarès, en Inde, des enfants jouer au foot non loin des brasiers où se consumaient des cadavres. Elle a fait du yoga et écouté son corps.
On aimerait entendre le témoignage de ceux que la dépendance n’a en rien privé d’une vie intérieure, mystérieuse et précieuse, dont il n’est ici aucunement question. L’actrice a visiblement été solidement encadrée par l’association française qui a facilité son suicide. Le président de l’ADMD, Jean-Luc Romero, a d’ailleurs tenu à « saluer la mémoire de celle qui a choisi pour abréger ses souffrances et vivre sa fin de vie selon sa propre acceptation de la dignité de s’exiler dans un pays de liberté ».
Il sait que les Français peuvent être terriblement sensibles à cette voix faible et courageuse qu’ils ont entendue longuement délivrer son dernier message à la radio alors que tant et tant meurent dans l’anonymat de leur domicile ou des hôpitaux. Il y aurait beaucoup à dire sur ce mot de « souffrance » où l’opinion tend à amalgamer les douleurs physiques aux épreuves psychologiques ou spirituelles inhérentes à l’approche de la mort. Beaucoup découvriront sans doute l’existence de l’actrice à l’annonce de sa mort, mais, sans contrepoint, sans personne pour la contredire. Son témoignage risque de faire de lourds dégâts. On pense à toutes les personnes dépendantes qu’elle désigne comme « passive devant la mort », comme si la vie avait déserté les centres de soins palliatifs. Il n’en est rien. Mais qui pourra rétablir la vérité sans donner l’impression de salir la mémoire d’une personne qui vient de faire le grand passage ? Maïa Simon a même interpellé Nicolas Sarkozy sur le fondement d’une phrase d’un livre qui lui est consacré : « la vie n’appartient pas à celui qui se trouve à côté du lit mais à celui qui souffre ». Dans son testament oral, elle prend soin d’inciter le président à mettre cette phrase en acte malgré l’opposition de ceux qu’elle juge « réactionnaires » ou « trop religieux ». Pour l’ADMD, cette sortie théâtrale intervient à quelques jours de la diffusion d’un téléfilm sur l’affaire Humbert, une fiction cette fois, destinée à présenter le fait divers comme un plaidoyer supplémentaire en faveur de l’euthanasie.