Les textes romains se succèdent sans forcément avoir été bien synchronisés entre les dicastères qui suivent leurs rythmes propres. Qu’importe, puisque leur cohérence n’en souffre pas. Ainsi, après le Motu Proprio sur la liturgie, la mise au point de la congrégation pour la Doctrine de la Foi sur l’ecclésiologie suscite quelque émoi chez les frères des autres confessions chrétiennes sans qu’on puisse toujours partager les raisons alléguées. En effet, qu’il y ait désaccord sur la Constitution de l’Eglise, comment s’en étonner dès lors que la Réforme, par exemple, s’explique largement par des divergences sur la nature sacramentelle de l’Institution et la distribution de l’autorité en son sein ? Certes, le dialogue œcuménique a permis, depuis quelques décennies, un rapprochement et une meilleure perception des positions mutuelles. Pas au point d’éliminer les différences et même les incompatibilités doctrinales. Dans ces conditions, il faut admettre qu’une mise au point rigoureuse de la part de Rome rappelle qu’il n’est pas possible de dénouer arbitrairement les contradictions. Que serait un dialogue qui ferait l’économie des réalités aussi fondatrices pour les uns et les autres ? On peut comprendre l’amertume de ceux qui ont l’impatience de l’unité mais, tant que tous n’épouseront pas la même théologie, il ne sera pas possible de se reconnaître mutuellement dans les mêmes définitions structurelles et sacramentaires.
Pourquoi ne pas dire franchement les choses ? Déjà, au moment de la publication du document Dominus Jesus, des plaintes s’étaient élevées contre le durcissement de Rome et l’on s’inquiétait pour l’avenir des différents dialogues en cours. Mais il y allait déjà d’une rigueur intellectuelle dont l’Eglise catholique n’était pas la seule obligée. Comment nos amis protestants pourraient-ils réclamer des titres ecclésiaux d’une instance dont ils contestent depuis toujours la doctrine ecclésiologique ? L’impossibilité logique n’est pas seulement formelle, elle relève de la profondeur d’un discord non résolu et qui nous donne encore à souffrir. Cependant, il serait vain et dommageable d’en rester au constat de nos incompatibilités traduit dans le simple langage juridique. Pour nécessaire que soit ce langage, il ne relève des convictions chrétiennes que lorsqu’il s’enracine dans la plénitude du mystère du corps du Christ.
Aussi est-ce à la réflexion en commun sur cette plénitude du don que nous devrions nous retrouver. La constitution conciliaire Lumen Gentium demeure le premier lieu de référence apte à nous faire mieux voir comment “L’Eglise est dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain”. Si cette même Eglise répond au “dessein du Père qui veut sauver tous les hommes”, il n’y a pas d’obstacle définitif pour que nous ne nous retrouvions pas un jour dans les conditions d’un accord en esprit et en vérité.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
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